Biennale de la danse de Lyon : Autres temps, autres lieux
Du 6 au 30 septembre dernier, la Biennale de la danse de Lyon, un festival capable de séduire tous les publics, fêtait ses 25 ans d’existence avec 600 artistes rattachés à 42 compagnies venues de 19 pays. Le Québécois Paul-André Fortier y a passé un mois, notre journaliste, cinq jours.
Candidate au titre de capitale européenne de la culture pour 2013, Lyon se donne depuis 30 ans les moyens de ses ambitions en matière de danse. Sous la férule de Guy Darmet, directeur artistique de la Biennale et directeur d’un important centre de diffusion, elle a formé un public d’aficionados qui remplit les salles. Ce qui frappe, c’est sa diversité et son enthousiasme. Les applaudissements sont plus que généreux et on ne se prive pas d’argumenter dans les rencontres avec les artistes. Il faut dire qu’il y en a pour tous les goûts, du ballet contemporain au hip-hop, en passant par le tropicalisme brésilien, la danse méditative asiatique, les danses traditionnelles et les grands noms de la création contemporaine européenne.
Parmi les événements gratuits, Paul-André Fortier dansait pour la 258e fois son Solo 30X30 le jour de notre arrivée, devant une centaine de personnes attentives, intriguées par ce "beau mec" transformant leur vision de l’espace urbain. Autre gratuité, le parcours à l’aveugle dans la ville concocté par Martin Chaput (un Québécois exilé) et Martial Chazallon offre un fabuleux voyage au coeur de soi par une stimulation intelligente des sens et une occasion de rencontre inédite avec l’Autre et avec la danse. Un projet qu’on rêve d’accueillir à Montréal et que la compagnie Danse-Cité a dans sa ligne de mire.
En salle, on traitait de mémoire et de transmission avec le thème "Retour en avant", inspiré du titre d’une pièce de 1983 que le Lyonnais Michel Hallet Eghayan a remontée pour l’ouverture de la Biennale. Au chapitre des hommages au passé, nous avons vu la reconstruction d’une oeuvre de 1985 de Susanne Linke, figure marquante de l’expressionnisme allemand. Dans Schritte Verfolgen II, elle transmet à trois jeunes interprètes un solo poignant, en plus d’apparaître sur scène pour une section finale moins heureuse. On n’en savoure pas moins cette pièce d’anthologie, tout comme la réinterprétation de Parades & Changes, première création collective mise en oeuvre par l’Américaine Anna Halprin en 1965. Six grands noms de la danse actuelle font revivre l’esprit de cette pionnière de l’improvisation et l’on réalise combien les oeuvres d’aujourd’hui sont marquées par le sceau du passé. Actualisée, la pièce est d’une effarante contemporanéité.
Malgré quelques déceptions, le séjour fut très riche avec, entre autres, la découverte de la compagnie Accrorap et du chorégraphe Kader Attou qui fait le pont entre la culture populaire française et la danse contemporaine. Interrogé sur l’évolution de la discipline, le directeur artistique de la Biennale évoque l’apparition du langage hip-hop comme une révolution et la déliquescence de la danse états-unienne comme le triste résultat de l’absence de politiques culturelles. "Quant au Québec, c’est un sujet délicat, avoue-t-il à regret. La danse contemporaine semble avoir pris des cheveux blancs et ne pas avoir la force de proposition qu’on souhaiterait. Mais je suis en demande et ne suis plus tout à fait au courant." Curieux, Darmet viendra cet automne au Québec pour la Conférence internationale des arts de la scène. À suivre…