Fabien Fauteux : Sur la route
Scène

Fabien Fauteux : Sur la route

Fabien Fauteux signe la mise en scène d’une pièce du Français Jérôme Robart, une tragédie contemporaine intitulée Eddy, F. de pute.

Pour que les réalisations des Créations UNThéâtre, la compagnie qu’il vient de fonder avec Mathieu Lepage, Émelie Bélair et Catherine Mathieu-Vignola, soient toujours ouvertes sur le public, qu’elles abolissent le quatrième mur, qu’elles fassent chaque fois du spectateur un complice et qu’elles génèrent une montée d’énergie comparable à celle qu’on associe aux joutes sportives, le comédien et metteur en scène Fabien Fauteux est déterminé à rendre les mécanismes du jeu théâtral visibles.

En travaillant sur Eddy, F. de pute, d’abord entre les murs de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, puis ensuite en préparation de la version profondément remaniée qui est sur le point de s’installer dans la salle principale du Théâtre Prospero, Fauteux a vite compris de quelle manière la pièce de Jérôme Robart – un auteur français dans la trentaine qui est monté pour la première fois à Montréal – allait lui permettre de dévoiler, avec les comédiens Jean-Sébastien Courchesne, Sarah Gravel, Étienne Jacques, Catherine Lavoie, Mathieu Lepage et Catherine Moncelet, les rouages du théâtre.

"Les personnages sont des emblèmes, des archétypes: le Père, la Mère, le Fils, le Vieux. De les considérer comme tels, ça m’a permis d’imaginer la mise en scène autour des acteurs plutôt qu’autour des protagonistes. Les spectateurs vont donc voir des acteurs au travail, des acteurs qui enfilent les personnages comme des masques, qui sont plusieurs à jouer le même rôle en même temps. Ce procédé invite en quelque sorte le public à jouer avec les acteurs. On pourrait appeler ça un partenariat ludique."

La pièce de Robart est ni plus ni moins une tragédie contemporaine, une relecture du mythe d’OEdipe. Lili, Eddy et leur père vivent dans une maison à la campagne. La mère serait morte, on le prétend, 15 ans plus tôt. Le père est écrasé par le poids du mensonge, son fils, angoissé, sa fille, dépassée. En quête de réponses, Eddy s’enfuit de la maison vers la ville, où il fait la rencontre d’une prostituée. Le père et Lili partent à sa poursuite, puis croisent un mystérieux vieillard. Sur la route de tous les membres de la famille, la fatalité plane.

"Je dirais que les thématiques viscérales qu’il y a dans ce texte, des thématiques tragiques, qui prennent au ventre, facilitent notre expérimentation formelle, avance le metteur en scène. L’histoire est si forte qu’elle demeure à l’avant-plan. Malgré les libertés formelles qu’on prend, un procédé qui aurait pu semer la confusion, l’intrigue demeure limpide, engageante pour le spectateur." Ce qui ne doit pas nuire non plus, c’est la langue singulière de Robart, les répliques syncopées qu’il place dans la bouche de ses personnages plus grands que nature, les mots crus qu’il leur fait prononcer haut et fort.

"Au début, il y avait quelque chose dans le texte qui me semblait un peu franco-français, explique Fauteux. Puis, finalement, à force de le lire, je me suis rendu compte que c’était très universel, que ce n’était pas tant dans le langage que ça se passait que dans l’impact sonore des mots. Robart a une façon d’écrire qui est très rythmée. Ça me fait penser au hip-hop ou au slam. Il y a quelque chose comme une musique qui nous transporte d’une manière vraiment émotive."

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JEROME ROBART

Né en 1970 en banlieue parisienne, Jérôme Robart a été formé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Depuis sa sortie en 1996, il partage son temps entre théâtre et cinéma, mise en scène, jeu et écriture. Il est l’auteur de trois textes pour le théâtre, qu’il a tous mis en scène: Tes (Éd. Les Solitaires Intempestifs, 1999), Eddy, F. de pute (Éd. Théâtre Ouvert/Tapuscrit, 2001) et Jiji the Lover (2005). À propos de la pièce que l’équipe des Créations UNThéâtre monte ces jours-ci, le créateur a écrit: "Plus qu’un hurlement subversif, Eddy, F. de pute est un chant de déculpabilisation. Une déculpabilisation générale. L’éventualité d’une issue éloignée des trois grandes religions monothéistes. Une transfiguration de la notion de faute. À l’aube de grands bouleversements, nous devons regarder nos racines pour que d’autres branches se développent. Mettre en péril les fondations pour révéler leur nécessité."