Fred Pellerin : Le sort en est jeté
Fred Pellerin présente au Monument-National son tout nouveau spectacle de conterie. Cette fois, au coeur des histoires, on retrouve la Stroop, sorte de sorcière du village. Ou, si vous préférez, L’Arracheuse de temps…
Les habitués du paysage caxtonien et de ceux qui l’animent retrouveront leurs repères dans le nouveau spectacle de Fred Pellerin. La belle Lurette, le forgeron Riopel, Toussaint Brodeur, tout ce petit monde est de retour, mais la vedette, cette fois, c’est la femme étrange venue un jour s’installer au lac aux Sangsues, et qui donne son titre au nouveau périple conté de Pellerin: L’Arracheuse de temps.
Celle que les habitants du village ont baptisée la Stroop existait déjà, elle figurait dans certains des contes précédents, mais par une alchimie que le principal intéressé lui-même ne comprend qu’à moitié, la voilà au centre du propos. "Ça se fait vraiment très naturellement. Au fil des spectacles, il y a des personnages qui prennent de plus en plus de place, qui ont des choses à dire… J’en suis à la quatrième suite des histoires du village, et chaque fois c’est l’un des personnages qui a ouvert la voie pour le chapitre suivant. Tu vois, ce coup-ci j’ai pensé un certain temps que ce serait le tour de Méo le coiffeur, puis non, c’est la Stroop. Ce qui n’empêche pas que Méo aura peut-être bien son tour un jour ou l’autre!"
Ladite Stroop, qui sait lire l’avenir, a surtout un pouvoir bien particulier et forcément populaire: elle sait éloigner la mort. "Pendant les quelques années où elle a vécu au village, rappelle Fred Pellerin, il se trouve que personne n’est mort! Pour vrai!" Hasard ou coïncidence? Ça importe peu au fond. Dans un cas comme dans l’autre, l’affaire n’allait pas manquer de nourrir les imaginaires… "Les gens vont la voir, en cachette, chaque fois qu’ils craignent pour eux ou pour un proche. Ça donne donc un croisement d’histoires secrètes assez amusant."
Amusant, on n’en doute pas, il n’en reste pas moins que le spectacle a la mort pour thème principal. "Le personnage est arrivé avec la thématique, ce n’était pas prémédité. En même temps, j’imagine que j’ai investi ce thème-là aussi parce que je vivais moi-même un deuil encore chaud à cette période", ajoute Fred Pellerin, qui se dit par ailleurs troublé par l’immense tabou entourant la mort, de nos jours. "Nous sommes clairement dans une ère de négation de la mort, une quête de la jeunesse éternelle, et il me paraît important d’échanger là-dessus. Mais entendons-nous: j’ai beau parler de ça, les gens se tapent sur les cuisses toute la soirée pareil!"
LES PREMIERES LOGES
Quelques semaines avant la parution du film Babine, qu’il a lui-même scénarisé, et alors que ses collaborateurs et lui mettent la touche finale au DVD du spectacle Comme une odeur de muscles, sans compter tout ce qu’a entraîné le succès de l’album de chansons concocté avec son frère Nicolas – finaliste au prochain Gala de l’ADISQ -, Fred Pellerin a bloqué un grand bout d’agenda, au mois d’août, pour roder L’Arracheuse de temps chez lui à Saint-Élie-de-Caxton. "Ç’a été formidable. Quand je conte à Saint-Élie, ce qui est très particulier, c’est que la conterie déborde dans le réel… Un soir, il y avait Léo Déziel dans la salle, qui a entendu le bout d’histoire qu’il m’avait conté… Un autre soir, les fils de Toussaint Brodeur étaient là. Tout ça est très émouvant, évidemment."
La suite aura un caractère pas mal moins local: aux dernières nouvelles, 40 000 personnes avaient déjà acheté leur billet. De quoi mettre un peu de pression? "Oui et non. Au début j’avais la chienne, pour être franc. Il faut dire que le spectacle précédent, je l’ai donné 432 fois. Il était au poil, j’en faisais ce que je voulais, et là je recommençais à zéro. Mais je suis vraiment content du résultat. Ça rentre au poste, crois-moi!"