Kim Brandstrup : À la fine pointe de la technologie
Le Danois Kim Brandstrup revisite La Dame de pique qu’il avait créée en 2001 pour les Grands Ballets Canadiens de Montréal en faisant appel au multimédia. Une oeuvre pour 28 danseurs avec des costumes somptueux.
Pour assouvir son désir de grimper dans l’échelle sociale, un officier de l’armée russe cherche à percer le secret d’une vieille comtesse pour gagner aux cartes et commence par séduire sa dame de compagnie. Au fil de l’action, la comtesse meurt, sa suivante sombre dans le désespoir et le soldat, dans la folie. L’histoire est une adaptation d’une nouvelle de 1833 d’Alexandre Pouchkine, transposée à l’époque stalinienne. "C’est un drame très sombre qui se joue entre trois personnes aux personnalités très marquées, commente Kim Brandstrup. L’histoire est très suggestive, avec des tensions très fortes entre les personnages. C’était idéal pour créer un ballet."
Formé au cinéma autant qu’à la chorégraphie, Brandstrup choisit de marier les deux disciplines quand Gradimir Pankov, directeur artistique des GBCM, lui commande en 2001 un ballet intégral. Des décors virtuels sont alors créés par Kandis Cook à partir de l’imagerie visuelle des Québécois Sylvain Robert et Jimmy Lakatos (absent de la recréation), elle-même en partie inspirée de quelques maquettes et animations 3D des Frères Quay, célèbres cinéastes d’animation états-uniens. Quant à la musique, mélange de compositions originales et d’une adaptation de la partition de l’opéra écrit par Tchaïkovski en 1890, elle est le fait du Canadien Gabriel Thibaudeau, réputé pour ses orchestrations dans l’univers du cinéma muet.
"J’avais fait un premier jet de scénario qui comprenait un story-board pour la vidéo, raconte le chorégraphe danois. Ensuite, ç’a été très intéressant parce que nous avons tous travaillé en parallèle: le compositeur composait sa partition pendant que je créais la chorégraphie, et nous faisions des essais d’images que nous ajustions au fur et à mesure. Ç’a été un processus très organique, ce qui est très rare dans le monde du ballet."
Aux 750 000 dollars investis dans la production originale, on en a ajouté environ 140 000 pour la version présentée prochainement au Théâtre Maisonneuve. "La technologie a tellement évolué depuis 2001 que nous avons réussi à faire quelque chose de très différent, assure Brandstrup. Nous avons raffiné et élaboré le concept de base. Le gros avantage du virtuel, c’est qu’on peut changer de temps et de lieu en un éclair, comme dans un film, ou mettre en parallèle des actions qui se déroulent en même temps dans deux lieux différents. C’est très excitant et c’est ce que nous avons principalement travaillé dans la refonte."
Du côté de la danse, Gabrielle Lamb et Marie-Ève Lapointe étant les seules à connaître les rôles principaux, ceux-ci ont été adaptés aux personnalités des nouveaux danseurs des trois distributions. Peu de changements semblent avoir été apportés à la chorégraphie et à la gestuelle, dont les critiques avaient souligné la faiblesse lors de la création. Brandstrup n’en a pas souvenir et cela n’avait d’ailleurs pas empêché le succès public de l’oeuvre. "J’ai l’habitude de m’appuyer sur mes idées plutôt que sur celles des critiques, lance-t-il pour conclure. J’ai eu l’occasion de reprendre un travail et j’ai simplement fait ce que je pensais nécessaire."