Le Chant du dire-dire : Amour accordéon
Scène

Le Chant du dire-dire : Amour accordéon

De sa voix puissante et profonde, le conte contemporain Le Chant du dire-dire de Daniel Danis transforme l’Espace René-Provost. Rencontre avec celle qui le met en scène, Anne-Marie Riel.

Il y a de ces rencontres entre un metteur en scène et un auteur qui transcendent le simple travail d’adaptation d’un texte. Avec Daniel Danis, la metteure en scène Anne-Marie Riel a l’impression d’avoir rencontré ce dramaturge avec lequel elle accumule les atomes crochus. "La rencontre avec Daniel Danis date du printemps 2004 lors du Laboratoire de mise en scène du Centre national des Arts intitulé L’Acteur-verbe. C’est là que j’ai eu un premier immense coup de foudre pour cette écriture. Il fabrique des collages d’images dans ses pièces et on a toujours dit de mes mises en scène qu’elles étaient emplies d’images", relève la metteure en scène qui a depuis monté, du même auteur, Le Pont de pierres et la Peau d’images et Sous un ciel de chamaille avec sa compagnie Théâtre Jeunesse en tête. Et elle abordera bientôt Kiwi, son plus récent texte, en laboratoire.

La pièce – écrite en 1996 et qui valait à son auteur un Prix du Gouverneur général catégorie Théâtre en 2007 – raconte l’histoire de Rock, William, Fred-Gilles et Noéma, qui tentent tant bien que mal de rester unis après la mort de leurs parents adoptifs emportés par un ouragan. À l’aide du dire-dire, objet allégorique appartenant aux parents, les trois frères tenteront d’aider leur soeur, qui s’est empêtrée dans la souffrance et le mutisme. "C’est une fable racontée dans une urgence. L’écriture de Daniel se situe toujours après une longue période de silence; d’un coup, les personnages prennent la parole et c’est comme un torrent, s’anime la metteure en scène. Pour se mettre un texte de Daniel Danis en bouche, il faut se lever tôt! C’est plein de ruptures, de contrastes, d’antithèses… L’écriture de Daniel est torrentielle. C’est une avalanche d’images, de merveilleux mots, de néologismes."

L’orage ayant aussi démoli leur maison, les quatre endeuillés devront également se protéger des "municipiens" ligués contre eux. "Ce qui m’intéresse dans le travail de Daniel, c’est le miroir des communautés. Il y a les municipiens, mais aussi le public dans la salle, qui est encore plus important parce qu’il est comme le jury, il est pris à témoin. Les personnages sont toujours à défendre leur histoire."

Pour interpréter cette famille déchirée, Anne-Marie Riel a fait appel à de jeunes comédiens dans la vingtaine qui font leurs débuts dans une production professionnelle, soit Marc-André Boyer, Mathieu-Philippe Perras, Éric Trottier et Émmanuelle Lussier-Martinez. Les qualités de danseuse de cette dernière seront mises à contribution. La metteure en scène a choisi de créer une "Noéma dansée", le choix d’incarner ou non ce rôle muet par un comédien étant laissé ouvert. "Ce personnage est une énigme. J’ai choisi qu’elle soit une métaphore de l’éveil de la conscience de l’humanité, qui était en état de semi-dormance", note Anne-Marie Riel.

La musique prend aussi une place centrale dans la pièce – la metteure en scène a fait appel au musicien bien connu Jean-Marc Lalonde (La Ligue du bonheur) pour camper le "fantôme du père avec l’accordéon". "Habituellement, je travaille beaucoup avec la caméra, les écrans, la vidéo, mais avec ce texte, j’ai voulu aller dans le cousu main, l’artisanal de la représentation théâtrale; donc à l’opposé de tout ce qui est technologique. Pour mettre en lumière les mots et les corps", conclut-elle.