Maxime Denommée : En pleine face
Avec Après la fin, une pièce de l’auteur britannique Dennis Kelly, le comédien Maxime Denommée signe sa deuxième mise en scène.
En 2005, Maxime Denommée touchait pour la première fois à la mise en scène en dirigeant Tête première. Il se souvient du stress insoupçonné qu’il avait alors vécu. "J’ai réalisé que le trac est pire pour le metteur en scène que pour l’acteur. Le soir de la première, tu te sens totalement impuissant." Mais l’expérience ne lui a pas déplu, au contraire, et il n’a pas hésité à plonger dans la nouvelle aventure que lui a proposée Jean-Denis Leduc, directeur artistique du Théâtre de La Manufacture.
Ainsi, sous la houlette de Denommée, Sophie Cadieux et Maxim Gaudette s’apprêtent à devenir les protagonistes d’Après la fin. "J’aime vraiment diriger des acteurs, explique le comédien-metteur en scène, parce qu’en même temps, j’apprends aussi beaucoup sur le jeu. Je me méfie des intuitions, j’apprends à décoder la voie cachée. Il faut développer une sorte de distance avec les émotions brutes du texte et j’adore atteindre ça."
Ce texte de Dennis Kelly, traduit par Fanny Britt dans une langue bien de chez nous, s’inscrit dans un courant actuel de la dramaturgie britannique: dialogues crus, parole rythmée et émergence graduelle d’une grande violence. La pièce a tout de suite interpellé le jeune metteur en scène, habitué à travailler ce genre avec Tête première ou Howie le Rookie de l’Irlandais Mark O’Rowe, mais aussi en tant qu’acteur dans des pièces de Jean Marc Dalpé.
"Dans cette dramaturgie-là, tout passe par le rythme et c’est de là que naissent les émotions, explique-t-il. Je m’aperçois que je suis vraiment allumé par la technique, je décroche tout de suite quand les acteurs se mettent à parler de la psychologie des personnages." Il racontera d’ailleurs, le sourire en coin, qu’il a dû s’adapter pour diriger Sophie Cadieux, une actrice qui prend un chemin tout à fait différent du sien pour arriver au même résultat. "Mais ce texte-là, c’est une affaire de tempo, il faut être attentif aux mots, aux tons, aux silences, aux répétitions. Pour l’acteur, ça demande de la virtuosité, tout est réglé au quart de tour."
Après la fin, c’est un huis clos: deux amis enfermés dans un abri nucléaire alors que dehors, la guerre au terrorisme post-11 septembre a transformé l’Angleterre en champ de bataille. Mark y a traîné Louise, inconsciente, et dans cet abri où ils luttent pour leur survie, s’installent des jeux de domination qui éclateront peu à peu en violence incontrôlée. Le dialogue est réaliste et sans artifices, la violence est crue.
"Sauf que ce n’est pas une progression constante, précise Dénommée. Souvent, la situation évolue jusqu’à ce qu’on sente que la violence va naître, et puis il y a une cassure, la violence est désamorcée par une scène plus drôle." Il ajoute ensuite que l’intérêt de la pièce, c’est aussi sa dualité, sa double signification, le fait que ce huis clos soit à la fois le théâtre d’une lutte intime et celui d’une véritable guerre terroriste, autour d’un constat central: on ne peut pas s’imposer à l’autre.
Comme les pièces de Sarah Kane ou d’Edward Bond, Après la fin offre son lot de scènes très dures: viol, attaques physiques, destruction. Une telle violence continue de bousculer la scène théâtrale, même plus de 10 ans après les premières pièces de Kane. Est-il possible de jouer au théâtre des scènes d’un réalisme aussi cru? De les rendre vraisemblables et puissantes sans recourir à l’oeil plus direct de la caméra de cinéma?
"Je crois que oui, répond Denommée. On a en tout cas choisi de ne pas atténuer la violence, on la traite d’une manière réaliste et crue. Je trouve que l’évocation est dix fois pire parce qu’elle laisse l’imagination y voir des horreurs encore plus monstrueuses." Dans l’intimité de La Licorne, on peut en tout cas supposer que la proximité aura aussi son impact. Dénommée souhaite que le public soit captivé et ressorte vivement ébranlé.