Michel Monty : Devoir de mémoire
Michel Monty dirige Le Pensionnat, une plongée en mots et en images dans cet univers aride où furent assimilés plus de 100 000 jeunes Amérindiens entre 1867 et 1970.
Alors que Stephen Harper présente ses excuses officielles aux anciens élèves des pensionnats, Michel Monty fait la rencontre de Claude Boivin, intervenant social dans la réserve innue de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean. Ancien pensionnaire qui a mal vécu sa sortie, il cherche aujourd’hui à développer des outils d’intervention culturelle dans sa communauté. Monty, qui avoue cultiver un intérêt pour la question de l’identité amérindienne depuis bien longtemps sans y plonger rigoureusement, n’a pas hésité une seconde à le suivre dans cette folle aventure de création autour du thème des pensionnats.
Sa compagnie, Transthéâtre, avec la collaboration de l’acteur Justin Laramée, s’est donc associée à Plume Blanche, la troupe créée par Boivin à Mashteuiatsh, pour faire naître une série de tableaux évocateurs, sorte d’intrusion scénique dans l’implacable système d’assimilation à l’oeuvre dans les pensionnats. "C’était véritablement un ethnocide, explique Monty. La loi canadienne forçait les jeunes Amérindiens à fréquenter des écoles à des kilomètres de la maison familiale, les groupes linguistiques et les frères et soeurs y étaient séparés, et beaucoup d’entre eux ont été victimes d’agressions sexuelles et physiques par les religieux en charge des institutions."
Et puis, silence radio. Si le sujet ressurgit aujourd’hui dans l’actualité, il a été tu pendant près de 40 ans, dans les réserves comme à l’extérieur. "Désorientés, déracinés, forcés de se taire, beaucoup d’Amérindiens ont développé des comportements violents ou vécu des problèmes de toxicomanie et de santé mentale, précise le metteur en scène. Aujourd’hui, il faut en parler. Cette pièce, elle parle avant tout du devoir de mémoire."
S’inspirant principalement des souvenirs de Boivin et de ceux d’une autre victime (Yves Dubé, qui interprète le personnage principal du spectacle), Monty a imaginé l’histoire d’un Amérindien d’aujourd’hui qui retourne sur les lieux de son enfance après avoir rempli son formulaire de réclamation financière du gouvernement fédéral pour les torts subis pendant son séjour au pensionnat. Sur place, les souvenirs jaillissent. "Un choeur d’enfants recrée l’univers du pensionnat, explique le metteur en scène, de manière un peu impressionniste, on fait un travail sur les sensations, les sons, les textures, l’idée est de montrer la mécanique mise en place."
D’abord soucieux de la démarche artistique, Monty ne veut en aucun cas faire un spectacle didactique. Mais comme il ne s’éloigne jamais de l’engagement politique, il désire ardemment que ces jeunes autochtones de Mashteuiatsh soient conscientisés à la nécessité du théâtre, et plus encore à la problématique de la disparition de leur culture et de leur identité. C’est un défi colossal qui, visiblement, grise le créateur, l’excite au plus haut point.