Vincent-Guillaume Otis : En quête de liberté
Avec Ceux que l’on porte, la pièce d’un jeune auteur états-unien qui ose aborder le 11 septembre, Vincent-Guillaume Otis signe une première mise en scène sous la bannière du Théâtre PàP.
C’est l’acteur et traducteur David Laurin, toujours en recherche de nouveaux textes états-uniens, notamment pour les cabarets d’Absolu Théâtre, qui eu la bonne idée de soumettre All We Can Handle, une pièce d’Andrew Dainoff produite pour la première fois au New Stage Collective de Cincinnati en 2006, au jugement de son ami Vincent-Guillaume Otis. "David m’a remis le monologue en me disant que ça allait me plaire, qu’il était question du 11 septembre, de New York et de la musique. On peut dire qu’il m’avait vraiment bien scanné! J’ai lu le texte d’un trait, je l’ai dévoré. L’écriture, la dramaturgie, ce que ça porte, ce que ça dit, tout cela m’a plu tout de suite. Mais il y a plus encore, il y a quelque chose d’instinctif, quelque chose qui a collé entre ce texte et moi."
Dans Ceux que l’on porte, un monologue dont Otis a fait une pièce pour deux acteurs (Félix Beaulieu-Duchesneau et Anne-Élizabeth Bossé) et deux musiciens (Philippe Brault et Simon Cloutier), Dainoff ose faire ce que peu de dramaturges ont fait avant lui, c’est-à-dire aborder les délicats événements du 11 septembre 2001 et les cicatrices béantes qu’ils ont laissées dans la ville de New York et dans l’âme de l’humanité. Ce qui est encore plus remarquable, c’est que l’auteur se penche sur la question d’une manière tout à fait intime, par le biais d’un personnage des plus attachants, David, un être sur qui le sort s’acharne.
"De mon point de vue, lance Otis, la pièce est une tragédie urbaine. Le personnage est pris dans un tourbillon, presque une malédiction. Autant de coups durs pour un seul homme, c’est possible, mais il y a tout de même quelque chose d’un peu surréaliste. Son histoire s’inscrit dans une modernité, mais en même temps, il y a une fatalité qui évoque le théâtre de Racine. De toute manière, à mon avis, les événements du 11 septembre ont en soi quelque chose de profondément mythologique."
L’INTIME ET LE COLLECTIF
L’attentat du World Trade Center aura des conséquences immenses sur le parcours initiatique de David. Dans le récit sensible et captivant que nous fait le jeune homme, quelque chose comme un troublant conte urbain, il y a des nuages de cendres, des élans de jazz, des souvenirs récurrents, le pont de Brooklyn, une fuite à Rome et la maladie, mais il y a surtout l’amour, l’amitié et la mort, encore une fois terriblement imbriqués.
"En réalité, précise Otis, ce n’est pas une pièce sur le 11 septembre. Ce n’est pas un brûlot politique. Il n’est pas question d’impérialisme ou de radicalisme musulman. Ce n’est pas le drame de 3000 personnes. C’est le drame d’une seule personne, d’un témoin, d’un homme qui traverse le nuage pour aller chercher celle qu’il a perdue. C’est ça qui est intéressant à mon avis."
C’est effectivement le caractère personnel de cette errance, pour ne pas dire son caractère authentique, qui donne autant d’impact au monologue. "C’est une quête d’identité, lance Otis, une quête de liberté, une histoire de survie. David essaie de vivre avec ceux qu’il porte en lui, ces gens qui l’ont façonné, qui ont fait de lui ce qu’il est devenu. Pour moi, la pièce est aussi une grosse histoire d’amour. Elle part de ça! Il y a trois individus déterminants, Sally, Jez et John, mais il y a d’abord une ville, New York. Cette cité, que je compare à un chaos organisé, est le premier coup de foudre de David."
VINCENT-GUILLAUME OTIS
Diplômé de l’École nationale de théâtre en 2003, Vincent-Guillaume Otis a aussi fait des études musicales au Conservatoire de Québec. Au théâtre, il a été dirigé par René Richard Cyr (La Chanson de l’éléphant), Robert Bellefeuille (Edmond Dantès), Éric Jean (Mika l’enfant pleureur, Une ardente patience), Daniel Roussel (Construction) et Antoine Laprise et Francis Monty (L’Autre Monde). Tout en continuant à fouler les planches et les plateaux, le jeune créateur tient de plus en plus souvent le rôle du metteur en scène. Après des stages auprès de Claude Poissant et Robert Lepage, il a fondé sa propre compagnie, Picouille Théâtre, et dirigé quelques spectacles, dont Zorro et L’Odyssée. On verra bientôt Vincent-Guillaume Otis dans le rôle-titre de Babine, un film de Luc Picard scénarisé par Fred Pellerin.