Aurélie Spooren : Sur l’oreiller
Aurélie Spooren présente son premier spectacle, Un jour, de nuit, une pièce à tableaux pour acteurs et danseurs autour des thèmes inépuisables que sont la solitude et la soif d’amour.
Depuis l’arrivée de Jack Udashkin à la direction artistique du Théâtre La Chapelle, on a la vive impression que le spectateur à l’affût de nouvelles voix et de réinventions scéniques n’aura plus une seconde de répit. Le troisième spectacle de la saison, une "narration poétique sur la solitude au moment du coucher", comme le dit si bien sa créatrice, s’inscrit bel et bien dans ce torrent de curiosités audacieuses.
Mais qui est donc Aurélie Spooren? Une jeune femme d’origine belge, sortie de l’École nationale de théâtre en 2004, qui, après quelques rôles au TNM, au Prospero et chez Pigeons International, a senti l’appel de la création. C’est d’ailleurs Paula de Vasconcelos, codirectrice artistique de Pigeons International, qui est à l’origine de l’intérêt de Spooren pour le mouvement et la danse-théâtre. "C’est fascinant de tisser des liens entre ces deux disciplines, dit-elle. Je pense que je me situe un peu entre les deux. On a beaucoup travaillé le geste dans Un jour, de nuit, et ça pose constamment la question de l’oscillation entre la danse et le théâtre. Sauter dans les bras de quelqu’un, est-ce de la danse? C’est cette zone d’ambiguïté qui m’intéresse."
Elle cite aussi le metteur en scène Éric Jean, auprès de qui elle a fait un stage et qui lui a inspiré une méthode de travail. "Il sait faire participer chacun de ses collaborateurs, de sorte que personne n’est un interprète au service de la pensée du metteur en scène." Spooren, elle, aime bien la métaphore du tableau collectif pour illustrer son processus de création; son spectacle serait comme une esquisse au fusain à laquelle tout le monde a ajouté ses couleurs. Et ce, dans un cheminement par étapes, avec des périodes d’arrêt et le désir de retravailler la pièce après les premières représentations.
SEULS ENSEMBLE
À la source d’Un jour, de nuit, il y a un questionnement: pourquoi sommes-nous si seuls même quand on est deux? Et un constat: la solitude est particulièrement présente et douloureuse à l’orée de la nuit, pendant le rituel du coucher. "C’est le moment où les choses s’apaisent, explique Spooren, où l’on reconnecte avec soi-même avant de tomber dans le monde des rêves."
Ainsi, elle a imaginé six personnages et un lit, le lieu commun de leurs solitudes respectives, l’endroit où se matérialisent aussi leur besoin d’amour et le rapport qu’ils entretiennent avec leur corps ou le corps de l’autre. "Cette dernière dimension est fondamentale, lance Spooren. Le spectacle amorce une réflexion sur la place du corps et du toucher dans notre société. Même quand l’être aimé dort auprès de nous, on demeure seuls avec nous-mêmes. Je me suis demandé ce que signifiaient le toucher et l’intime dans ce contexte et aussi dans celui de la surconsommation des corps."
Tout ça prend la forme d’une succession de tableaux, reliés par une trame sonore évoquant aussi la solitude et les particularités du corps dans sa phase nocturne: souffles, appels d’air et bruits incontrôlés de l’homme pendant son sommeil. Il y a aussi des textes d’Alessandro Baricco, extraits du roman Océan mer, surtout des lettres d’un amoureux à l’amante qu’il n’a pas encore trouvée.
Les mots, utilisés autant pour leurs qualités sonores que leur contenu, servent à la fois de partition pour le geste et de décor acoustique. "Comme nous voulons que ce spectacle soit très sensoriel, il faut que le spectateur soit avant tout stimulé par le son et l’image, qu’il abandonne la logique intellectuelle pour se livrer aux sensations."
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