La Cerisaie : Le testament de Tchekhov
Scène

La Cerisaie : Le testament de Tchekhov

Johanna Lochon est l’une des nombreuses comédiennes à jouer dans la plus récente production des Têtes Heureuses, La Cerisaie. Regard d’une Française sur la mise en scène québécoise d’un texte russe…

Il y aurait quelque chose d’un rêve d’enfant dans cette aventure qui mena Johanna Lochon jusque chez nous. Venue faire le tour des parcs nationaux du Québec avec son père lorsqu’elle avait 10 ans, la Française d’origine aurait dès lors pris la résolution de revenir un jour…

Aujourd’hui, pour cette étudiante à la maîtrise de l’Université du Québec à Chicoutimi, la région semble offrir des possibilités remarquables. C’est ce qu’affirme la jeune comédienne dont on a déjà pu apprécier le travail dans Guerre, la dernière production des Têtes Heureuses. Selon Johanna, il lui aurait été pratiquement impossible, en France, de jouer La Cerisaie dans une troupe professionnelle. "Quand on passe par l’université, en France, on est presque autodidacte, on n’a pas de formation d’acteur. Alors on n’a pas accès à des compagnies de théâtre professionnelles. Pour moi, c’est une chance d’être à Chicoutimi. On me propose des choses qu’on ne m’aurait peut-être pas proposées en France."

Selon la comédienne, il y aurait bien plus qu’un océan pour séparer les théâtres français et québécois. Arrivant avec une approche spontanément intellectuelle, elle apprend, sous la houlette de Rodrigue Villeneuve et au contact de ses collègues québécois, à aborder le texte de Tchekhov en accordant une plus grande confiance à son instinct. "Quand on me parle de La Cerisaie, j’entends un discours du personnage de Trofimov et je pense à la Révolution russe, au capitalisme, au communisme, à tous ces enjeux politiques… Alors que les autres comédiens vont y penser, mais ça ne va pas être la première chose qui leur saute aux yeux."

Ce rapport moins théorique au texte ne réduit toutefois pas l’importance qui lui est accordée. Avec leur nouvelle production, les Têtes Heureuses prennent d’assaut l’oeuvre testamentaire du grand Anton Tchekhov. Pour plusieurs, le dramaturge était un grand visionnaire, effleurant déjà, lors de sa création en 1904, les tragédies politiques et morales qui allaient ébranler le 20e siècle. Johanna Lochon précise que sa lucidité n’a toutefois jamais porté de jugement. "C’est ce qui est merveilleux chez Tchekhov. Il n’y a pas une idée qui l’emporte sur l’autre. Il n’y a pas de morale. Il parle des gens qui vivent selon leurs idéaux mais sans les juger."

L’histoire se passe dans la Russie d’avant la Révolution. La cerisaie sera vendue, et avec cette transaction sera signée la disparition de tout ce qu’elle portait comme souvenirs d’enfance. Douze personnages, jamais vraiment secondaires, s’interrogeront: qu’y perdront-ils? Qu’est-ce qui les attendra par la suite? Autant de questions qui pourraient trouver leur écho dans l’actualité, alors que souvent, l’énergie consacrée à la protection de notre culture et de notre patrimoine doit être justifiée…