Marie Béland / Frédérick Gravel : Prises de risques
Marie Béland et Frédérick Gravel investiront tour à tour la scène de Tangente pour questionner la danse contemporaine avec humour. L’une présente Dieu ne t’a pas créé juste pour danser, et l’autre livre ses GravelWorks.
Ils ont fondé ensemble La 2e Porte à Gauche. Ils invitent systématiquement des musiciens à les rejoindre sur scène. Ils collaborent avec la même dramaturge. Tous deux questionnent le caractère hermétique de la danse contemporaine. Mais leurs démarches et leurs créations sont résolument différentes. Par exemple, tandis que Frédérick Gravel donne dans l’humour pince-sans-rire et le second degré, Marie Béland y va de franches caricatures.
Dans Dieu ne t’a pas créé juste pour danser, elle part d’éléments de la création en danse contemporaine qu’elle trouve "poches" pour interroger la pratique artistique et les perceptions du public. "Dans chaque tableau, on a travaillé sur un paramètre qu’on trouvait mauvais ou qu’on a rendu mauvais pour voir comment il allait teinter le reste et influencer la lecture du spectateur, explique la fondatrice de la compagnie maribé – sors de ce corps. Est-ce que le résultat final peut être bon quand même ou est-ce que le quétaine détruit tout? C’est sûr qu’on a gardé les tableaux où il se passe quelque chose, mais ce qui est intéressant, c’est que ce que j’ai trouvé mauvais ne va pas nécessairement être perçu comme tel par le public. C’est le jeu que je propose et le risque que je prends."
La pièce a été inspirée par une émission de radio animée par Dave Ouellet, alias MC Gilles, qui accompagne les quatre interprètes sur scène. "Il travaille principalement en sous-culture et en contre-culture musicales en faisant jouer de la musique de sous-sol. Je suis une fan de la première heure et il arrive que je sois profondément touchée par des choses poches, avoue Béland. J’ai voulu transposer le concept en danse."
La genèse de GravelWorks s’inscrit, quant à elle, dans le désir de créer sans l’obligation de produire un spectacle. Ainsi, la création présentée à Tangente est un amalgame de diverses capsules chorégraphiques conçues depuis 2006 et testées dans des contextes variés: dehors, à la télévision, en parallèle de festivals ou de conférences… En questionnant systématiquement les canons et pratiques en vigueur dans l’univers de la danse contemporaine, Frédérick Gravel peaufine une signature originale faite d’intelligence et de désinvolture. "Je m’amuse beaucoup avec le concept, confie l’impertinent chorégraphe qui danse, interpelle le public et joue aussi de la musique sur scène. J’essaye de faire un peu de pop avec ça, d’être dans le plaisir. En fait, c’est comme un concert, mais avec un discours engagé sur le corps."
Comme chez Béland, la vingtaine de tableaux qui nous sont offerts ont été créés en étroite collaboration avec les danseurs et musiciens. "Le casting est ce qu’il y a de plus important dans ce travail, affirme le chorégraphe. C’est vraiment une esthétique de gang. C’est pour ça que j’ai créé le GravelArtGroup. Ivana Milicevic, Lucie Vigneault et Jamie Wright ont beaucoup d’expérience, une réflexion, une perspective et un esprit critique sur ce qu’elles font. Francis Ducharme est le meilleur non-danseur que je connaisse, et les musiciens, Stéphane Boucher et Hugo Gravel, ils ont une super présence et m’aident sans doute à me tenir loin des canons."