Marie Dumais : Tendres passions
Scène

Marie Dumais : Tendres passions

Marie Dumais signe l’adaptation et la mise en scène d’Amaurôsis – Voyage dans le Musée de Reims, inspiré d’un récit de Daniele del Giudice. Câlin scénique.

Après Bestiario, Marie Dumais nous revient avec Amaurôsis…, autre projet motivé par une quête de beauté, de poésie passant par la symbiose des différents médiums théâtraux. "J’accorde autant de temps aux conceptions qu’à l’interprétation, indique la metteure en scène d’Histoires minimales et de La Peste, notamment. Avant, je disais que je faisais des spectacles impressionnistes, car ce sont des impressions que je veux donner. Cette fois, j’aimerais que les spectateurs sortent tout enveloppés de douceur, comme s’ils avaient reçu une caresse."

Il faut dire que l’art, tout désigné pour une telle mission, occupe une place de choix dans cette histoire. "Il s’agit d’un jeune homme [Sylvain Perron] qui commence à perdre la vue, raconte-t-elle. Donc, il ne peut plus voyager pour contempler des paysages et il se sent un peu intimidé par le fait que quand il veut vraiment voir quelqu’un, il faut qu’il soit très près. Alors, il décide d’aller à la rencontre des oeuvres l’ayant le plus touché dans les catalogues parce que, là, il va pouvoir s’approcher et bien les regarder." Or, son angoisse est de perdre contact avec la réalité. "Mais lors de ce voyage dans ce musée, il fait la rencontre d’une femme [Véronique Côté] qui lui montre que finalement, tout le monde perçoit sa propre réalité, que c’est ça la beauté de la vie", continue-t-elle.

Aussi, comme nous nous retrouvons rarement seuls au musée, elle a eu l’idée d’ajouter quatre personnages représentant chacun une entité. D’abord, une vieille dame omnisciente (Ghislaine Vincent). Puis, à l’opposé, une jeune fille (Joanie Lehoux) possédant une grande capacité d’étonnement ainsi que son pendant masculin (Simon-Pierre Gariépy), très cérébral, rigide. Et enfin, un être évanescent incarnant l’art en lui-même. "Dans le fond, elle représente tous les tableaux, observe-t-elle. Parfois, elle a des contacts avec les personnages; elle vient les apaiser, les toucher."

Ce rôle, nous ne sommes du reste pas surpris d’apprendre qu’il a été attribué à Lydia Wagerer, auteure des chorégraphies du spectacle. Mais n’allez pas croire qu’elle sera seule à danser; non, dans ce domaine, tous les comédiens sont mis à contribution. "Quand le personnage principal voit une toile et la trouve magnifique, il est envahi d’une grande émotion", illustre Marie Dumais, qui a finalement reconnu dans le mouvement la meilleure façon d’exprimer ce genre de sentiments.

De même, elle ajoute: "Lorsqu’on va au musée, on ne parle pas nécessairement, mais on vit quelque chose; c’est ce que je voulais montrer." Ainsi, les images multimédias (Lionel Arnould), en devenant floues ou en changeant de couleur, amènent le public à partager la vision des deux personnages principaux. Tandis que la musique (Sen Fortier) "nous fait comprendre les vibrations intérieures des gens et rend l’atmosphère de chaque lieu", souligne-t-elle.

Mais le plus inusité, du moins au théâtre, demeure sans doute le recours à la voix off, dans l’optique de "créer des moments intérieurs", explique-t-elle. De sorte qu’elle demande aux comédiens "de ne pas jouer, mais d’exister très fort". "Quand on pense à quelque chose, on ne mime pas notre pensée, fait-elle valoir. Il s’agit d’un travail particulier pour eux, mais je crois qu’avec le temps, ils ont senti que ça pouvait exister et ont fait confiance à la chose." En fait, elle observe que toute l’équipe s’est vue contaminée par la nature réconfortante du spectacle. Une sensation qui, l’espère-t-elle, rejaillira sur le public.

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VISITE VIRTUELLE

Cette pièce nous fera vivre en quelque sorte la visite évoquée dans le livre de Daniele del Giudice et contempler les toiles qui y sont décrites en compagnie des personnages. "Il y a quelques oeuvres de plus, mais la plupart, ce sont celles du Musée de Reims, précise Marie Dumais. Parce que c’est ce qui touchait dans le récit. Donc, il y a beaucoup de Corot, des Renoir, un Delacroix…" Aussi, le mouvement des images nous permettra de nous déplacer tout en demeurant immobiles. "Au fond, ce ne sont pas les gens qui passent à travers les salles, mais les salles qui passent à travers les gens", poursuit-elle. Enfin, par son installation scénique, Marie-Renée Bourget-Harvey a trouvé le moyen, en jouant avec les horizontales, de donner l’impression d’une salle très vaste. Tout pour se sentir comme au musée, quoi.