Amaurôsis : Musée intime
Scène

Amaurôsis : Musée intime

Amaurôsis (Voyage dans le Musée de Reims), production de la compagnie Instant Zéro, célèbre, à travers un appel aux sens, la beauté du monde.

Libre adaptation de l’oeuvre de Daniele del Giudice par Marie Dumais, qui signe également la mise en scène, Amaurôsis nous transporte dans un musée où se croisent quelques visiteurs: de jeunes amoureux, une artiste, une vieille dame, habituée de l’endroit. Au centre, un homme, examinant de près les tableaux, et dont on apprend qu’il est en train de perdre la vue. Ne pouvant regarder les visages d’aussi près qu’il lui serait nécessaire, il cherche à s’imprégner une dernière fois de la beauté en scrutant des toiles qu’il aime et qu’il ne reverra jamais, pour en garder au moins la mémoire. Son parcours à la rencontre des Corot, Delacroix, Renoir, David le mènera aussi vers une femme qui accompagnera de ses descriptions sa vision déjà brouillée. À la contemplation des oeuvres se joignent réflexions sur la peinture, la science, les splendeurs de la nature, en une rencontre esthétique et humaine.

Pour mettre en scène cette exploration, Marie Dumais fait appel à tous nos sens, peignant elle-même par petites touches, comme autant de coups de pinceau. Dans un espace vaste, aux plancher et large mur de bois, en fond de scène, se conjuguent les matériaux de l’oeuvre dans un travail de conception magnifique: éclairages d’intensité et de couleurs diverses, dont quelques noirs éloquents; projections fascinantes, de tableaux, d’étoiles, de couleurs, jouant sur la perception; musique calme, tel un chant intérieur, et bruits de pas résonnant comme sur les dalles d’un musée. S’y ajoutent jeu et mouvements chorégraphiés, expression de l’indicible, et voix des acteurs, parfois enregistrées, parfois en direct. Si les voix off étonnent au premier abord, elles concourent à donner au spectacle une atmosphère mystérieuse, de recueillement, même si les comédiens ne semblent pas tous à l’aise avec le procédé.

Riche d’images, le spectacle offre aussi des moments très émouvants à travers l’appétit, le bonheur de vivre de la jeune amoureuse et le deuil à faire, par le personnage principal, des couleurs du monde. Amaurôsis, au rythme lent, invite à la contemplation; pour goûter le voyage, il suffit, malgré quelques longueurs, de se laisser porter par le courant des impressions, des sensations. Le résultat en est une expérience artistique suggérant que les êtres, comme les étoiles dans la galaxie, comme les pigments sur le tableau, participent à la beauté du monde, dont ils sont aussi créateurs.

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La peinture, les adaptations de récits au théâtre, l’univers de Marie Dumais