Ceux que l'on porte : Survivre au pire
Scène

Ceux que l’on porte : Survivre au pire

Avec Ceux que l’on porte, un texte troublant de l’États-Unien Andrew Dainoff, le Théâtre PàP interroge le deuil dans un monde où rien ne va plus.

Revenir sur un traumatisme, trouver le courage de le décrire, de le traduire, de le coucher sur papier pour mieux le faire renaître sur une scène, tout cela ne va pas de soi. Il faut du temps et du cran. La chose semble pourtant nécessaire, voire salvatrice. Quatre ans après les événements du 11 septembre, le jeune dramaturge états-unien Andrew Dainoff a trouvé ce courage. On ne le remerciera jamais assez.

Si Ceux que l’on porte (All We Can Handle) s’est rendu jusqu’à nous, c’est grâce à David Laurin, qui a découvert et traduit le texte, à Vincent-Guillaume Otis, qui l’a mis en scène, à Félix Beaulieu-Duchesneau, qui le défend avec un juste mélange de conviction et de retenue, et aux codirecteurs artistiques du Théâtre PàP, Patrice Dubois et Claude Poissant, qui ont cru que cette parole méritait d’être entendue.

On dit que l’effondrement des tours jumelles a été l’occasion en Occident d’une prise de conscience, d’un éveil, rude mais souhaitable. En assistant à ce spectacle, on poursuit en quelque sorte cette grande entreprise de reconstruction intérieure. Sur scène, entre deux gorgées de bourbon, David nous raconte comment Sally, la femme qu’il aimait depuis peu, mais follement, est morte dans les attentats. Puis, rapidement, on comprend que le jeune homme ne fait que commencer à composer avec le deuil. La criminalité et la maladie viendront bientôt lui ravir deux autres personnes qui jouaient un rôle crucial dans sa vie.

Pour sa première mise en scène sous la bannière du Théâtre PàP, Otis fait preuve d’une belle sobriété. Parmi les bons coups, mentionnons la présence sur scène des musiciens Philippe Brault et Simon Cloutier, l’utilisation des amplificateurs de guitare pour transmettre les voix et l’évocation subtile des tours dans la scénographie. Parmi les moins bons coups, il faut nommer la confusion que font régner les séquences sonores préenregistrées et la présence souvent inutile de la comédienne Anne-Élisabeth Bossé, au demeurant fort juste, dans les différents rôles féminins de la pièce.

Si, malgré ces quelques bémols, on adhère tout naturellement au terrible destin de David, c’est que l’écriture de Dainoff est d’un noble dépouillement, une remarquable pudeur qui suscite encore plus vivement l’émotion. Ici, pas d’épanchements, pas de larmoiements, pas d’invectives ni d’apitoiement. Juste le drame d’un homme soumis à la violence d’un monde en perte de repères. Ça vous dit quelque chose?

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