Miniatures : Moments de grâce
Scène

Miniatures : Moments de grâce

Avec Miniatures, une précieuse collection de solos, José Navas se dévoile avec grâce et finesse.

À 43 ans, après 25 ans de danse, une trentaine de créations qui l’ont mené aux quatre coins de la planète, le chorégraphe québécois d’origine vénézuélienne José Navas a choisi de s’offrir à nous dans une suite de brefs solos sophistiqués. Miniatures offre plus de classicisme que de contemporanéité, plus de romantisme que de formalisme, plus de tendresse que d’emportement, plus de simplicité que d’étrangeté.

Par conséquent, la soirée risque de surprendre les aficionados de Navas, les admirateurs de longue date, mais, après le choc, c’est le ravissement qui prend le pas. La poésie. Avant le spectacle, on voit le danseur-chorégraphe se réchauffer; entre les solos, on l’observe tandis qu’il change de vêtements, s’essuie, boit, applique du baume sur ses lèvres… Entre le spectateur et l’artiste, le rituel rend l’intimité encore plus grande.

Des soixante minutes que durent la représentation, presque toutes sont bercées par la musique: le piano de Bach, Debussy et Chopin, mais aussi la voix de la Callas, chantant Norma, et celle du Cubain Bolade Nieve chantant Alma Mia, un air que le père de Navas prenait plaisir à siffler. Retentit aussi la voix de Judy Garland, un personnage mythique que Navas se permet de personnifier avec sobriété, mais aussi avec beaucoup de conviction. Au final, la voix divine du contre-ténor Philippe Jaroussky emplit la salle et nous couvre de frissons.

Dans la plupart des instantanés, les bras de Navas, d’une telle élégance, suffisent à nous fasciner. Caressant l’air, ou alors les yeux, la bouche, ils louvoient, se lient et se délient avec une grâce peu commune. À un moment donné, recouverts de gants noirs, ils deviennent l’objet de toute notre attention. Dans le troisième solo, où, comme en plusieurs autres endroits, les éclairages de Marc Parent touchent au grand art, le danseur est au sol, la tête recouverte d’une chemise, comme en suspension. On sent la mort qui rôde, la maladie qui ronge, on croirait voir la vie se retirer du corps, l’âme prendre son envol. Serait-ce les derniers moments d’un accompagnement, un hommage à la relation amoureuse que Navas a vécue avec le chorégraphe William Douglas, mort du sida au début des années 90?

Miniatures offre des images fortes et foisonnantes, une sophistication, des registres contrastés et une communion spontanée entre un créateur d’exception et un public attentif. En somme, un moment d’intimité à ne pas rater.