Monique Miller : Échec et mat
Scène

Monique Miller : Échec et mat

Sous la houlette de Daniel Roussel, Le lion en hiver de James Goldman prend l’affiche chez Duceppe. Rencontre avec Monique Miller, interprète de la redoutable Aliénor d’Aquitaine.

Adapté pour le cinéma en 1968 (le film mettait en vedette Katharine Hepburn et James O’Toole), Le lion en hiver, une pièce de l’États-Unien James Goldman créée en 1966, a été joué à quelques reprises au Québec, et deux fois plutôt qu’une au Théâtre du Rideau Vert (avec Yvette Brind’Amour dans le rôle d’Aliénor d’Aquitaine). Ces jours-ci, chez Duceppe, on propose une nouvelle traduction, signée Elizabeth Bourget. "J’ai déjà joué Aliénor, se rappelle Monique Miller, dans Becket ou l’honneur de Dieu, de Jean Anouilh, au Théâtre du Rideau Vert en 1971. Elle est toute jeune dans cette pièce, 25 ou 30 ans, et Jean Duceppe lui-même jouait le roi Henri II."

Emprisonnée par son mari depuis plusieurs années, la reine revient à la cour le jour de Noël 1183, au moment où le roi veut désigner lequel de ses trois fils lui succèdera au trône. Aliénor et Henri ne s’entendent pas; il choisit son plus jeune fils, Jean, elle jette son dévolu sur l’aîné, Richard. Luttes de pouvoir et complots meurtriers s’ensuivent, dans une intrigue complexe et calculée, souvent comparée à une trépidante partie d’échecs.

Visiblement passionnée d’histoire, Miller s’emballe en reconstituant de mémoire la généalogie des Plantagenêt et leurs multiples batailles pour le trône, s’emporte lorsqu’elle raconte la vie tumultueuse d’Aliénor d’Aquitaine, son règne sur la France comme sur l’Angleterre et ses amours tordues. "C’est une femme d’une redoutable intelligence, mais surtout une femme complète et parfois contradictoire. Elle est maternelle sans l’être vraiment, puissante mais fragile en même temps, elle est dure et même perverse. C’est tout un personnage, une écorchée vive. Tout un contrat!"

Aliénor est une effroyable combattante, mais Miller n’oublie jamais qu’elle est aussi une incroyable amoureuse. "Je crois qu’elle aime encore profondément Henri. Ils me font penser au couple déchiré de Qui a peur de Virginia Woolf? (mentionnons que la comédienne a joué Martha dans cette pièce d’Edward Albee en 1989). Ils sont coincés dans une sorte d’amour-haine, un amour qui se brise souvent, mais vers lequel on revient toujours."

Un amour qui brûle aussi entre Aliénor et son fils Richard. "Ils ont une relation toute particulière, très oedipienne. Ce n’est pas du tout incestueux, et c’est intéressant parce que leur amour passe beaucoup par l’art. Elle lui a appris la poésie, les langues, la danse, la musique." Dans la Grande Histoire, Aliénor d’Aquitaine fut en effet une femme très cultivée, une mécène reconnue pour avoir favorisé l’émergence de la poésie courtoise chez les troubadours.

C’est la première fois que Monique Miller est dirigée par Daniel Roussel, un metteur en scène actif depuis plus de 35 ans de qui elle dit apprécier la passion contagieuse et l’exigence. "Je suis une incroyable grugeuse de répétitions, j’en veux toujours plus, et Daniel me le rend bien." Elle dira ensuite qu’il a le souci d’une mise en scène équilibrée, témoignant d’un grand respect de l’oeuvre et de l’époque, sans pour autant dissiper son imaginaire et sa sensibilité. "Et j’ai le bonheur de retrouver Michel Dumont, en plus de partager la scène avec Patrice Godin, Sébastien Delorme, Olivier Morin, Evelyne Brochu et Mathieu Bourguet, de très beaux et bons jeunes acteurs." Une actrice comblée de toutes parts.