Bob : Urgence de dire
Bob, la nouvelle pièce de René-Daniel Dubois, mise en scène par René Richard Cyr, est un véritable événement, un spectacle majeur qu’il ne faut rater sous aucun prétexte.
C’est un texte intelligent et sensible, comme son auteur René-Daniel Dubois, une partition éclatée qui emprunte les chemins déraisonnables de la passion tout en demeurant solidement ancrée dans le tissu social. Entre Andy et Bob, les deux héros, c’est fusionnel dès le premier regard, mais ils ne cesseront de se résister, coincés entre la peur et le désir. Puis, auprès du piano d’Andy, Bob s’abandonnera à ses souvenirs, revivant les cinq journées où Mme Fryers, actrice oubliée, l’a révélé à lui-même, le confrontant à l’art et à l’amour. S’y greffent de vives réflexions sur le sens du vivre ensemble aujourd’hui; une prise de parole viscérale et nécessaire qu’il faudra lire et relire (la pièce sera bientôt publiée chez Leméac) pour en saisir l’étendue et la profondeur.
René Richard Cyr a compris que cette pièce, qui a nécessité 17 ans d’écriture à son auteur, devait tout de même être livrée dans l’urgence. À fleur de peau, Étienne Pilon (Bob) et Benoît McGinnis (Andy) s’abandonnent corps et âme. Leur jeu est hachuré, agité, épidermique; on y ressent toute la fragilité et les déchirements de leurs personnages. Un rôle déterminant pour Pilon, vraiment irradiant, alors que McGinnis l’appuie de sa présence sensible, jamais effacé même si plusieurs scènes le confinent à l’arrière-plan.
Par un décor épuré dans lequel les objets ont souvent une valeur métonymique et une utilisation maximale et inventive du lieu théâtral (vous serez étonnés à coup sûr de certaines trouvailles), Cyr donne à ce récit une dimension plus grande que nature. Et que dire du choeur de 10 comédiens, à la fois narrateurs, créateurs des lieux, représentants du monde et spectateurs attendris de l’histoire de Bob?
Le gros hic, ce sont les séquences vidéo où s’anime Mme Fryers (Michelle Rossignol, aussi présente sur scène). S’il s’agit bien d’un espace mémoriel destiné à donner au personnage une sorte d’aura mystérieuse, l’écran ne réussit hélas qu’à nous distancer du propos. Jamais les images ne dialoguent réellement avec la scène. Ce sont le plus souvent des monologues tournés dans une grande simplicité formelle, sans effets cinématographiques qui justifieraient leur présence sur une scène de théâtre. Il se dit pourtant dans ces passages des choses fondamentales, et c’est bien dommage d’en avoir ainsi aplati le sens.