Le Bruit et la Fureur : De chair et de sang
Scène

Le Bruit et la Fureur : De chair et de sang

Avec Le Bruit et la Fureur, le Cycle états-unien du Théâtre de l’Opsis prend une tournure résolument tragique.

Une tragédie, celle d’une famille sur laquelle plane une malédiction, une saga, une fresque observée depuis quatre points de vue différents, pour ne pas dire divergents, une émouvante histoire de désirs réprimés, condamnés, bannis, noyés dans l’alcool ou la rancoeur, voilà ce avec quoi le Théâtre de l’Opsis a choisi d’amorcer la troisième saison de son Cycle états-unien.

En 1929, avec Le Bruit et la Fureur, l’écrivain William Faulkner faisait communier les États-Unis au terrible destin des Compson. Près de 80 ans plus tard, le dramaturge Pierre-Yves Lemieux et la metteure en scène Luce Pelletier relèvent le défi de nous intéresser au déclin de cette famille du Sud, autrefois de la haute société, une fratrie maudite, marquée par l’inadéquation d’un père et d’une mère, mais aussi par la perte d’identité de toute une nation.

La représentation se tient dans ce que l’on pourrait appeler les ruines d’un empire, un espace qui évoque à la fois l’intérieur et l’extérieur, la nature et la civilisation. Les acteurs sont continuellement sur le plateau ou à sa périphérie. La première partie émerge de la tête de Benjy, un simple d’esprit que Patrick Hivon incarne avec doigté. Évidemment, les idées se bousculent, mais le regard sur la situation est unique, d’une magnifique poésie. La deuxième partie est un monologue de Quentin. Le jeune étudiant, que Francis Ducharme défend avec aplomb, parle de son père, de la pression qu’il lui fait subir et de la délivrance que la mort, imminente, représente à ses yeux.

La troisième partie est celle de Jason, un homme hargneux, amer, qui a l’air de rien mais qui est capable du pire, un personnage antipathique auquel Pierre-François Legendre donne de surprenantes nuances. La dernière partie est celle de Caddy, objet de l’affection quasi animale de Benjy, de l’amour incestueux de Quentin et de la haine farouche de Jason. À ce personnage, le plus attachant du quatuor, Émilie Bibeau communique du coeur, de la ténacité et une grande force de caractère. Il faut mentionner que le soir de la première, certains acteurs avaient de la difficulté à se mettre le texte en bouche, ou alors tout simplement à le retenir, comme c’était le cas pour Han Masson, qui incarne la mère. Nul doute que cela devrait se rectifier sous peu.

En somme, bien que de larges portions de ce spectacle de 120 minutes tiennent davantage de la littérature que du théâtre, ce qui n’est pas un mal en soi, Lemieux et Pelletier offrent une lecture sensible et évocatrice de l’oeuvre, arrivent à rendre limpide une histoire ou règne souvent le désordre, au propre comme au figuré.