Frédéric Bélanger : La maladie d’amour
Après Molière, Dumas et un détour par Perrault, Frédéric Bélanger s’attaque à Goldoni, plus précisément à La Fausse Malade.
L’été dernier, Frédéric Bélanger signait un troisième spectacle pour le Théâtre Advienne que pourra, une compagnie que le jeune comédien et metteur en scène a fondée dans Lanaudière il y a un peu plus de deux ans. Après Le Dépit amoureux, de Molière, et D’Artagnan et les trois mousquetaires, de Dumas, le jeune homme s’attaque à La Fausse Malade, une comédie de Goldoni qui n’aurait jamais été jouée en Amérique du Nord.
Bien entendu, pour une troupe qui donne dans le théâtre forain et la commedia dell’arte, se mesurer à Goldoni va de soi. Cela dit, pour célébrer le 300e anniversaire de la naissance du célèbre auteur italien, le metteur en scène a préféré, plutôt que de revisiter les classiques que sont La Locandiera, Barouf à Chioggia ou encore Arlequin serviteur de deux maîtres, se porter à la défense d’une oeuvre méconnue. "En fait, explique Bélanger, on cherchait un texte rarement joué, mais surtout qui boucle la boucle. Le Dépit amoureux, c’est un Molière inspiré de la comédie italienne. La Fausse Malade, c’est un Goldoni inspiré de Molière, plus particulièrement de L’Amour médecin. On pouvait difficilement imaginer mieux!"
Pour ses comédiens Guillaume Baillargeon, Maude Campeau, Bruno Piccolo, Fanny Rainville, Mani Soleymanlou, François-Simon T. Poirier, Claude Tremblay et Jennie-Anne Walker, Bélanger s’est lancé dans une profonde adaptation de l’oeuvre. "Je me suis cassé la tête à faire des coupures, à raffiner les personnages féminins, à adapter une pièce à douze personnages pour huit comédiens." L’anecdote est aussi simple que cocasse. Pour éviter d’épouser le prétendant que son père lui a choisi, Rosaura, aidée par son astucieuse complice Colombina, feint d’être malade. À partir de là, la jolie jeune femme devient la proie de tous les médecins-charlatans de Venise. Heureusement, l’honnête docteur Onesti veille sur elle. Convaincu que sa jeune patiente joue la comédie, il ignore toutefois la cause de son mystérieux mal.
Il faut dire qu’en cours de route, la belle héroïne s’est prise à son propre jeu. "Rosaura finit par devenir réellement malade, révèle Bélanger. Du moins, c’est ce qu’elle croit. Elle a des maux de ventre, des papillons dans l’estomac… En réalité, ces symptômes, ce sont ceux de l’amour. Peu à peu, elle est en train de tomber en amour avec son propre médecin." La pièce offrirait donc un savoureux double discours sur la maladie et un portrait de la profession de médecin qui comporterait des nuances. Rappelons que le père de Goldoni était médecin.
"Chose rare, explique Bélanger, le jeune premier est du bord des médecins. Normalement, le médecin, c’est le bouffon, le gros, le laid, le charlatan et le pédant qui étale son latin. Il y en a aussi dans cette pièce, mais Onesti est tout le contraire. Sincère, clair, il sait de quoi il parle. Il voit bien que Rosaura n’est pas malade, que ce qui lui arrive est psychologique, humain. Ici, le discours sur la médecine n’est pas noir et blanc, comme chez Molière, il y a une zone grise qui est très agréable à explorer."
Frédéric Bélanger n’est pas peu fier de ce que ses collaborateurs et lui ont accompli depuis trois ans dans les jardins de la Maison Antoine-Lacombe, à Saint-Charles-Borromée, non loin de Joliette. "On a vraiment réussi à créer une tradition, à faire venir monsieur et madame Tout-le-monde au théâtre. En plus, chaque été, parallèlement à la représentation, on propose une exposition sur la création du spectacle. Les gens sont très réceptifs. Si bien qu’on a doublé notre public. J’ai le sentiment que notre mission est relevée!"