L’Importance d’être Constant : Le style avant tout
La metteure en scène et enseignante Lucie Jauvin se frotte pour une deuxième fois à l’oeuvre grandissime du répertoire "wildien" avec L’Importance d’être Constant. Entretien.
Gilles Provost caressait depuis longtemps le projet de présenter, au coeur de sa dernière saison, l’oeuvre théâtrale maîtresse d’Oscar Wilde, L’Importance d’être Constant. Non sans une certaine contrariété, il apprit que la troupe de théâtre du Collège de l’Outaouais, Les Feux de la rampe, l’avait devancé. Le visionnement de la vidéo de la production lui suffit pour confier à la metteure en scène Lucie Jauvin la reprise du spectacle dans une production communautaire au Théâtre de l’Île. Mme Jauvin, aussi enseignante de français et de théâtre au Collège, propose en outre une nouvelle traduction adaptée au goût du jour – bien que gardant l’esprit de son époque, l’Angleterre victorienne du 19e siècle.
Deux jeunes hommes de la haute société s’inventent des personnages imaginaires pour échapper à leurs obligations mondaines… Dans leur hardiesse, ils font la rencontre de deux jeunes femmes dont ils tombent amoureux. Or, celles-ci ont pour fantasme d’épouser un homme qui se prénommerait Constant. Au fil de maints rebondissements, les deux amis feront du zèle pour arriver à leurs fins. "C’est un éloge de notre faculté de ne pas se laisser prendre par la réalité, d’ouvrir la porte de l’imaginaire pour se réinventer une vie, résume la metteure en scène. Tous les personnages vivent dans une fiction. Pour contourner le poids de la société qui les empêche d’être ce qu’ils souhaitent être, ils s’inventent un personnage imaginaire, un fantasme qui devient plus réel que la réalité!"
Fascinée par l’esprit vif d’Oscar Wilde, Lucie Jauvin a tenté de rester le plus près possible du texte original, aux subtilités infinies. "Il y a une critique sociale importante dans ce texte toujours actuel: cette absence de sincérité, l’obsession des apparences dans une société où l’argent mène tout. Dans le fond, Oscar Wilde vivait dans une société où c’était difficile d’être sincère. Il a passé sa vie à cacher son homosexualité. Sa manière de réagir à ça, ce fut: "dans les choses importantes et graves, c’est non pas la sincérité qui compte mais le style", tel que rendu par un des personnages dans la pièce."
Au nombre des comédiens amateurs – Xavier Gagné-Croteau, Nicolas Desfossés, Sophie-Hélène Matte, Jacynthe Legault dans les rôles centraux -, la chanteuse de la région Marie-Nicole Groulx tient le rôle pétillant de Lady Bracknell, "qui représente à elle seule toute la société victorienne".
Passant d’une "scène immense" à une petite scène, la metteure en scène s’est réjouie de reprendre la pièce une deuxième fois avec un plus grand nombre d’heures de répétition et l’apport d’une équipe professionnelle (scénographie, costumes, etc.) "Cette pièce, je la remonterais deux ou trois autres fois. C’est l’effet que font les grands textes, ils sont inépuisables", conclut-elle.