Slague : Refaire surface
Scène

Slague : Refaire surface

Dans Slague – l’histoire d’un mineur, Jean Marc Dalpé se fait passeur: signant une brillante traduction de la pièce de Mansel Robinson, et livrant une interprétation intense.

Un plateau nu, au sol terreux; une bouteille, une table; éclairage sombre, percé par moments de faisceaux; un homme en fauteuil roulant. C’est Pierre DeLorimier, ancien mineur qui, seul dans sa cuisine, se met à table: la table de l’oralité, la table des histoires qu’on se raconte, lien le plus solide, parfois, avec la vie elle-même.

Prenant la parole, plongeant dans le noir de sa mémoire pour en ramener les gravats de son histoire, DeLorimier raconte. L’accident, qui l’a laissé une semaine coincé au fond de la mine, à attendre les secours, et qui l’a privé à jamais de l’usage de ses jambes; la perte de son fils, qu’il avait initié au travail dans les profondeurs, tué lors de cet effondrement. Sa colère, devant l’exploitation des mineurs, qu’il nomme "les vers de terre intelligents"; son vain parcours pour obtenir justice; ses rencontres imaginaires avec son fils mort, leurs conversations, ses souvenirs. Pour accompagner son récit, l’environnement sonore créé et présenté en direct par Aymar: complainte d’ouverture, effets divers, dont la pulsation, le grondement persistant de la mine vivante, des souvenirs oppressants.

Jean Marc Dalpé, dans la mise en scène de Geneviève Pineault, incarne avec la force qu’on lui connaît ce personnage amer, cynique, homme brisé mais pourtant combatif, que fouettent sa colère et sa culpabilité. S’appropriant la langue âpre et vive du personnage, Dalpé captive, émeut, fait rire. Et, uniquement par la parole – qualité à la fois du texte et de l’interprétation, magistrale -, crée personnages, lieux, événements, faisant exploser les limites de l’univers vide et glauque auquel le personnage est confiné, et que suggèrent mouvements répétitifs, décor et éclairage.

Force salvatrice, maintenant DeLorimier en vie au fond de la mine, la parole apparaît ici, également, force de rédemption ou du moins, d’apaisement. Puisqu’au bout du récit de l’ancien mineur, parcours sombre, ardu, surgit l’échappée lumineuse, poignante: celle du souvenir ensoleillé, celle de l’amour d’un fils.

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