Tableau d'une exécution : Tableau vivant
Scène

Tableau d’une exécution : Tableau vivant

Tableau d’une exécution, sous les regards croisés de Gill Champagne et Karine Ledoyen, devient un spectacle aux images puissantes, entre beauté picturale et chorégraphique.

C’est à un spectacle visuellement époustouflant que nous convient le metteur en scène Gill Champagne et la chorégraphe Karine Ledoyen. Dès l’ouverture, Tableau d’une exécution nous emporte dans la pensée, l’inspiration, l’oeuvre d’Anna Galactia, peintre, à qui le doge de Venise commande un tableau sur la très meurtrière bataille de Lépante. Présentant l’affrontement entre chrétiens et Ottomans comme le carnage qu’il a réellement été et non comme le triomphe de Venise et de la Sainte Ligue, Galactia défie l’autorité, subissant pressions, désaveux.

À travers l’histoire de cette peintre libre, rebelle, Tableau d’une exécution s’intéresse aux rapports de l’art et du pouvoir. Censure, manipulation y affrontent convictions, ambition. Sans complaisance aucune, Howard Barker nous présente en quelques traits vifs des personnages concrets. Hommes de pouvoir, artistes: aucun ne trouve vraiment grâce à ses yeux. La langue pleine de contrastes et d’humour sombre, les répliques mordantes, les contradictions, excès et petitesses peignent ces personnages du 16e siècle, qu’on dirait nos contemporains. Pour servir le texte, une distribution solide de comédiens au jeu énergique et tout en finesse et de danseurs, parmi lesquels se glissent certains acteurs, aux interventions frappantes et métaphoriques.

Pour décor (Jean Hazel), un large mur aux tons de rouge, percé, piqué de lances, dont le pied baigne dans l’eau: bateau sur lequel viennent se tordre les victimes de la bataille de Lépante, mur de l’atelier, où les muses de Galactia réclament d’elle la vérité.

Si le sujet de la lutte entre art – ou toute pensée indépendante – et pouvoir n’est pas nouveau, le travail inspiré de Gill Champagne et de Karine Ledoyen insuffle à la pièce une force étonnante, décuplant son potentiel. Images impressionnantes, visions saisissantes: la mise en scène tissée de danse, se combinant au décor et aux éclairages, confère au texte une puissance, un souffle épique, donnant en même temps à l’engagement de Galactia un écho profond, celui de l’horreur du carnage de la bataille qu’elle peint. Plus qu’une réflexion théorique, plus qu’une bataille d’idées, l’inspiration et la prise de position de la peintre y gagnent une réalité charnelle, une dimension essentielle, poignante.

À voir si vous aimez /
La danse, Sainte Jeanne (G. B. Shaw), La Vie de Galilée (B. Brecht)