L'Heure du lynx : Appeler un chat un chat
Scène

L’Heure du lynx : Appeler un chat un chat

Avec L’Heure du lynx, un texte du Suédois Per Olov Enquist, Téo Spychalski parvient à ennuyer prodigieusement.

Quelle déception. Quel dommage. La création québécoise de L’Heure du lynx, une pièce de Per Olov Enquist traduite par Àsa Roussel et mise en scène par Téo Spychalski, directeur artistique du Groupe de la Veillée, est un échec, presque sur toute la ligne. On se faisait pourtant une joie de découvrir ce qui s’annonçait comme une joute psychologique entre trois individus aux prises avec des questions existentielles; une nouvelle illustration de l’éternel combat entre la foi et la science, la raison et la folie, le rationnel et l’irrationnel.

Malheureusement, le texte, qui évoque les pièces Equus, de Peter Shaffer, et Le Faucon, de Marie Laberge, ou encore Birdy, le film d’Alan Parker, ne présente finalement que bien peu d’intérêt. Si les romans d’Enquist lui ont valu une reconnaissance internationale, son théâtre ne semble pas du même calibre. Rappelons qu’en 2002, l’équipe de la Veillée avait monté La Nuit des tribades, la première pièce de l’écrivain suédois. La production nous avait laissé de glace.

Dans L’Heure du lynx, un jeune homme est interné pour avoir tué, sans raison apparente, un couple d’un certain âge. Auprès de lui, il y a deux femmes. La première est psychologue, responsable d’une zoothérapie expérimentale. La seconde est pasteure, venue à la rescousse de la première lorsque son expérience a mal tourné, c’est-à-dire lorsque le jeune meurtrier a tué le chat qui était censé révéler son humanité. Tout cela, il ne faut que quelques minutes au spectateur pour l’apprendre. Le reste n’est que reformulation, étalage de faits plus ou moins signifiants. Jusqu’à la toute fin, on espère une conclusion édifiante ou à tout le moins surprenante. Elle ne vient jamais.

Pour incarner la pasteure, Carmen Jolin, qui a remplacé Marthe Turgeon au pied levé, est on ne peut plus inadéquate. Non seulement elle ne sait pas son texte, mais son jeu est hésitant, quand ce n’est pas faux ou désincarné. Dans la peau de la psychologue, Isabelle Tincler n’est guère mieux. Son interprétation est caricaturale, sans nuance aucune. Quant à Gaétan Nadeau, c’est d’une telle tristesse qu’on ait fait appel à lui pour incarner un gardien muet dont la présence est à toutes fins pratiques inutile.

Heureusement, pour sauver la production du naufrage complet, il y a François Arnaud. Le pauvre rame de toutes ses forces pour donner de la crédibilité à une entreprise que ses partenaires, mais aussi la mise en scène statique et l’absence de scénographie significative, entraînent vers le fond. Le jeune acteur est manifestement bourré de talent. Retenez bien son nom. Sa rigueur et sa conviction sont les seules choses qui méritent un détour au Prospero ces jours-ci.