Marcelle Dubois : Seuls au monde
Avec Jam Pack, l’auteure et metteure en scène Marcelle Dubois s’interroge sur la marginalité et la façon dont chacun de nous peut trouver sa place dans le monde.
La jeune et dynamique Marcelle Dubois, investie dans de multiples projets, comme La Centrale, un nouveau lieu de diffusion théâtrale qui devrait ouvrir ses portes à la saison 2010, ou encore le Festival du Jamais Lu, porte ces jours-ci les casquettes de productrice et de metteure en scène d’un texte qu’elle a aussi écrit, Jam Pack, une histoire de perte et de résistance.
Jam Pack et sa soeur Lucide Luciole Petite Lucie vivent coupés du monde, dans une petite maison de tôle perdue sur une île minuscule, avec, à l’autre bout, un village qui supporte mal de voir ses règles défiées. Persuadé qu’il souffre d’une forme de déficience expliquant la colère que provoquent en lui les habitants du village, Jam Pack se perd dans une quête scientifique abracadabrante destinée à le guérir, tandis que Lucide repousse les frontières de son univers en aimant, chaque soir, un homme différent.
La pièce pose une question qui trouve une résonance particulière en Marcelle Dubois: comment exister au monde quand ceux qui auraient dû être toujours là ne le sont plus? "Jam Pack et Lucide ne sont pas des enfants, explique-t-elle, mais ils sont dans l’état de jeu de l’enfance, parce qu’ils ont dû se créer leur propre univers, réinventer les codes pour survivre. L’état de fusion qui existe entre eux justifie leur haine du monde. À partir du moment où l’un des deux décide de ne plus jouer le jeu, tout se disloque et la force d’action disparaît. Finalement, passer à l’état d’adulte, c’est être capable d’exister seul dans la masse."
Pour incarner Jam Pack et Lucide, Marcelle Dubois a immédiatement pensé à Félix Beaulieu-Duchesneau et Marie-Ève Pelletier. "Félix est un acteur de fiction, il devient géant quand on lui laisse de l’espace pour réinventer la réalité; il donne à Jam Pack une amplitude étonnante. Quant à Marie-Ève, elle travaille avec une vive intelligence du texte, qu’elle parvient à traduire dans son corps; c’est ce côté charnel que je suis allée chercher chez elle."
Dubois le dit et le répète, Jam Pack est une fiction. C’est là-dedans que l’artiste se trouve bien, dans un univers irréel qui expose les insuffisances du monde. "Dès le début, j’ai travaillé en étroite collaboration avec la scénographe Véronique Bertrand, explique Dubois. Elle a immédiatement compris le symbolisme présent dans la pièce et elle a fait une proposition scénique superbe, avec, notamment, des os de baleine pour représenter le village et ses habitants."
Si l’auteure elle-même a choisi de faire parler le village par la voix de Jam Pack et Lucide, c’est parce que cela permet au public de se demander quelle réalité ont les habitants. Existent-ils vraiment et si oui, sont-ils bel et bien tels que Jam Pack et Lucide les décrivent? Ne servent-ils pas uniquement à justifier leur position de lutte? Ne font-ils pas partie d’un jeu destiné à se faire croire qu’ils ne sont pas seuls au monde? Chacun pourra se faire sa propre opinion sur le sujet en allant voir le spectacle.