Vanessa Van Durme : Vie nouvelle
Scène

Vanessa Van Durme : Vie nouvelle

La comédienne belge Vanessa Van Durme vient nous offrir Regarde maman, je danse, un solo où il est question de sa vie tourmentée et de son changement de sexe dans les années soixante-dix.

La comédienne transsexuelle Vanessa Van Durme a interprété Tosca, la mère courage, l’une des grandes figures de Tous des Indiens (Allemaal Indiaan), un spectacle d’Alain Platel présenté à Montréal, au FTA, en 2001. Ceux qui l’ont vu s’en souviennent. C’est le même Platel qui a encouragé l’actrice à écrire son histoire, convaincu que la vie du premier transsexuel belge allait bouleverser une marée de lecteurs. Il ne s’est pas trompé. D’abord publié sous forme de biographie, Regarde maman, je danse a été adapté pour la scène en 2006 et a parcouru depuis toute l’Europe.

Les Montréalais seront les premiers Nord-Américains à découvrir le spectacle mis en scène par Frank Van Laecke (un artiste plutôt habitué aux opéras et aux spectaculaires comédies musicales), mais Van Durme travaille déjà à la version anglaise, ce qui lui permettra de trimballer son monologue intimiste entre les États-Unis, l’Angleterre, le Canada et l’Australie pour les trois prochaines années.

Né à Gand, dans les Flandres, au sein d’une famille modeste, Vanessa était un petit garçon timide qui jouait à la poupée et rêvait d’être danseuse. "J’étais convaincu que j’étais une petite fille, raconte-t-elle. Et j’étais vraiment un enfant heureux. Jusqu’à ce que je grandisse et qu’on me dise que je ne pouvais plus porter les habits de ma soeur et jouer à la poupée." C’est là que le calvaire commence. La puberté est une épreuve, mais l’adolescent trouvera quand même la force d’entrer à l’école de théâtre à 17 ans, puis de jouer les rôles de jeune homme pendant quelques années au sein de la compagnie Nederlands Toneel Gent. Dans les années soixante-dix, alors que les opérations de changement de sexe n’existent pas en Belgique, Van Durme vole jusqu’au Maroc pour faire le grand saut.

Devenue femme, elle n’en souffre pas moins. "C’était totalement impossible de vivre librement en tant que transsexuel en Belgique à cette époque. Presque tous les transsexuels ont fait de la prostitution, c’était une question de survie. C’était marche ou crève." Van Durme se prostitue pendant 15 ans: des années très difficiles dont elle parle aujourd’hui sans broncher, mais dont le souvenir lui demeure pénible. "Mais vous savez, Gand, où je vis toujours, est aujourd’hui un centre mondialement connu pour les transsexuels, ils y viennent de partout pour se faire opérer. Alors, un jour, je suis devenue paisible et sereine, enfin, et je suis revenue à la scène."

C’est cette histoire, douloureuse mais nécessaire "pour balayer les préjugés et montrer que les transsexuels sont des gens comme tout le monde", que l’actrice raconte sur scène, vêtue d’un léger vêtement de nylon rose, sans artifices. "Nous sommes tous comme ça chez nous dans les Flandres, notre manière de faire du théâtre est très directe, explicite même. Je voulais dire les choses comme elles sont. Je pense que ça plaît énormément aux gens et que ça les touche parce que c’est intime: il n’y a pas de décors, pas de costumes, pas de maquillage, pas de musique. Il n’y a rien. Et pour moi, c’est important. Je suis comme ça dans la vie, directe et franche, je voulais que ce spectacle soit à mon image."

Van Durme voudrait aussi que le spectacle fasse réfléchir sur la notion d’identité, qu’on ne s’attarde pas qu’à l’histoire du changement de sexe. "La grande souffrance éprouvée dans ce processus, ce combat que j’ai mené pour enfin être complètement moi-même est beaucoup plus intéressant. C’est l’histoire d’une libération." Au passage, elle aura aussi rendu hommage à ses parents, des gens formidables qui l’aimaient tendrement et l’ont aidée à traverser cette vie grâce à leur présence constante.

Consultez la page du Théâtre La Chapelle au www.voir.ca/lachapelle