Benoît Vermeulen : Enquête de beauté
Scène

Benoît Vermeulen : Enquête de beauté

Après avoir sillonné les routes du Québec, de la France et de l’Italie, et avant de repartir de plus belle, Assoiffés, la neuvième création du Théâtre Le Clou, s’arrête à Montréal. On parle d’adolescence avec le metteur en scène du spectacle, Benoît Vermeulen.

Le Théâtre Le Clou, dont Benoît Vermeulen est l’un des codirecteurs artistiques, accroît ces jours-ci le rayonnement de son travail auprès du grand public. En effet, la compagnie de théâtre pour adolescents, qui fêtera en 2009 ses 20 ans d’existence, amorce une résidence de trois ans entre les murs du Théâtre d’Aujourd’hui, une institution qui, rappelons-le, se consacre depuis 40 ans à la création québécoise.

Pour commencer cette collaboration, quoi de mieux qu’Assoiffés, un spectacle qui a remporté, depuis sa création en 2006, un succès monstre auprès du public (aussi bien adolescent qu’adulte) et de la critique (en octobre dernier, l’Association québécoise des critiques de théâtre remettait au spectacle son Prix de la critique dans la catégorie Jeunes publics). Il faut dire que la rencontre entre les mots de Wajdi Mouawad et l’inventivité scénique de Benoît Vermeulen est détonante et poétique, subversive et inspirante. On parle ici d’une vraie rencontre, et pour nous, d’un vrai rendez-vous.

"J’essaie toujours d’aller chercher des auteurs pour adultes dont la plume, l’essence, peut rejoindre le public adolescent, explique le metteur en scène. C’est un instinct, il n’y a pas de recette, mais il y a tout de même des choses qui sont évidentes. Que Wajdi devait écrire pour les adolescents, pour moi, c’était une évidence! Il y a chez ses personnages d’adolescents une force, un désir d’absolu, un tel radicalisme et une telle tendresse."

PRENDRE LA PAROLE

Au départ, il y a la découverte de deux cadavres, deux corps entrelacés, repêchés au fond du fleuve. Celui qui nous raconte tout ça, c’est Boon, un anthropologue judiciaire (Martin Laroche, qui remplace Simon Boudreault) chargé de faire la lumière sur cette mystérieuse affaire. Pour y arriver, l’homme replonge dans son passé. Refont alors surface les histoires de deux adolescents: Murdoch (Benoit Landry), verbomoteur, la tête pleine de questions importantes, et Norvège (Sharon Ibgui), terrée dans un mutisme absolu.

"À travers l’histoire d’un jeune homme qui refuse de devenir ce qu’on l’oblige à devenir, ou ce qu’il croit qu’on l’oblige à devenir, Wajdi a réussi à parler de ce qui me stimule dans l’adolescence, ce que j’appelle l’état adolescent. Murdoch est la quintessence de l’adolescent en crise, mais il a aussi ce désir immense de vivre. Tout cela a une force peu commune. J’irais même jusqu’à dire que ce spectacle incarne les raisons primordiales pour lesquelles en tant qu’adulte, je fais du théâtre pour ados."

Cela dit, pour l’homme de 44 ans, les étiquettes sont devenues désuètes, ou à tout le moins réductrices. "Les gens pensent qu’on se demande ce que les ados veulent voir et entendre. Ce n’est vraiment pas le cas! La seule différence entre le théâtre pour ados et le théâtre pour adultes, c’est le point de départ, c’est-à-dire le désir de rejoindre un public en particulier. Pour le reste, c’est un acte personnel, créatif. C’est la même chose que pour tous les autres types de théâtre."

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LE CLOU: BIENTOT 20 ANS

Fondé à Montréal en 1989, codirigé par Monique Gosselin, Sylvain Scott et Benoît Vermeulen, le Théâtre Le Clou donne avec bonheur et succès dans la création destinée aux adolescents. Sur le site Web de la compagnie, on peut lire: "L’adolescence est une période extraordinaire. L’adolescence bouillonne de passions, d’idéaux et de liberté. C’est cette énergie qui nous stimule artistiquement. Les créations qui en découlent démontrent aux jeunes à quel point le théâtre peut être ouvert, que le théâtre est un art qui surprend, provoque et permet d’enrichir notre rapport au monde et à nous-mêmes." En près de 20 ans, plus de 300 000 spectateurs au Québec, au Canada et en France ont pu applaudir l’une des dix créations de la compagnie. Parmi les plus populaires, mentionnons Au moment de sa disparition et Romances et Karaoké, sans oublier Les Zurbains, une tradition depuis 1998. À l’occasion des Coups de Théâtre, il y a deux semaines, on découvrait Isberg, le nouveau spectacle de la compagnie, un texte de Pascal Brullemans mis en scène par Sylvain Scott, l’histoire émouvante d’une fratrie confrontée à la mort subite de ses parents.