Claude Lafortune : Le goût du risque
Scène

Claude Lafortune : Le goût du risque

Claude Lafortune est loin d’être essoufflé. À 72 ans, toujours aussi pétillant de jeunesse, il remonte sur les planches pour raconter Don Quichotte aux enfants.

"Il ne faut pas attendre d’être vieux pour enfin faire quelque chose, alors j’en profite pendant que je suis encore jeune." Souriant, détendu au milieu de ses marionnettes de tissu "conçues dans l’esprit du bricolage et l’esthétique des marionnettes de papier", Claude Lafortune ironise sur son âge et son image de grand-papa gâteau.

Personne ne doute pourtant de sa fougue et de son éternelle jeunesse, lui qui est monté sur scène pour la première fois à l’âge de 64 ans dans un spectacle narratif intitulé La très belle histoire de Noël, après une longue carrière télévisuelle comme animateur d’émissions jeunesse (L’Évangile en papier et Parcelles de soleil). S’il a marqué deux générations de petits Québécois avec ses personnages de carton, le sympathique et rassurant animateur ne s’éloigne pas complètement de son territoire de prédilection avec Don Quichotte, un spectacle produit par Juste pour rire dans lequel il est plus acteur que bricoleur, mais où il manie quand même le ciseau et le papier.

"Sauf que c’est la première fois que je joue autant la comédie. Peut-être que Don Quichotte va révéler à tout le monde ma vraie image. J’avais l’air très sérieux à la télé avec mes papiers et mon bricolage, mais dans la vie, ceux qui me connaissent bien savent que j’aime lâcher mon fou." C’est donc le petit côté fou, l’émerveillement perpétuel de Don Quichotte et ses distorsions de la réalité qui ont interpellé Lafortune et le metteur en scène Yves Dagenais, spécialiste en jeu clownesque. "Au départ, précise le nouveau comédien, je m’intéressais plus au lyrisme du personnage, mais quand Yves s’est joint au projet, on s’est mis à travailler la dimension clownesque, le ludisme."

Ainsi, après avoir lu le premier tome de l’oeuvre originale de Cervantès, Lafortune a écrit son adaptation, qui fonctionne par épisodes, racontant les grandes lignes de l’histoire mythique, avec une insistance sur les scènes d’action et l’abandon de passages jugés trop littéraires ou philosophiques. Don Quichotte, ce rêveur qui prend les auberges pour des châteaux et les moulins à vent pour des géants, y sillonne l’Espagne avec son fidèle ami Sancho Panza, ici une marionnette conçue par Patrick Martel et manipulée par David Magny. La musique, composée et jouée en direct par Serge Lamarche, occupe une place de choix dans le spectacle. "Mais l’essentiel, ajoute Lafortune, c’est qu’on s’amuse avec presque rien, comme des enfants qui s’inventent un monde à partir d’objets du quotidien."

Si la passion du créateur pour les marionnettes et le bricolage ne se dément pas, on sent qu’il a eu cette fois un malin plaisir à se projeter dans le personnage, à dévoiler une part de lui-même à travers le récit fantaisiste du pauvre hidalgo. "Je trouve qu’il me ressemble beaucoup. À 40 ans, quand j’ai laissé tomber mon poste de décorateur sur des plateaux de tournage pour animer une émission de bricolage, alors que j’avais trois enfants et aucune expérience à l’écran, je sens que j’étais stimulé par le même désir d’aventure que lui. J’ai un peu réalisé le rêve de Don Quichotte."