Guillaume Bisson : À bout de souffle
Guillaume Bisson et ses comparses de la compagnie Les Trois Têtes proposent ces jours-ci aux Montréalais la comédie satirique Rushé, un spectacle créé l’été dernier à Saint-Jérôme.
Finissants en théâtre musical au cégep de Sainte-Thérèse, Guillaume Bisson, Yorie Poirier-Vachon et Janik V. Dufour ont jumelé leur créativité pour donner naissance à une toute première production professionnelle, Rushé. Les Trois Têtes – c’est le nom de la compagnie qu’ils ont fondée en 2007 – signent le texte et la mise en scène de cette "comédie pour emporter", en plus de l’interpréter en compagnie de Pierre-Olivier Cantin. Le spectacle, qui se consomme semble-t-il "comme un repas-minute", porte un regard souvent amusé mais toujours lucide sur notre époque.
Guillaume Bisson affirme que la pièce est le fruit du délire qui habite notre quotidien à tous, quotidien froissé par une société qui ne cesse d’accélérer son tempo, et ce, sans trop se poser de questions. "Je trouve que c’est rendu pas mal dur de réunir les gens au théâtre. Maintenant, avec Internet, tout est tellement instantané. Les gens passent d’une capsule YouTube à une autre. C’est ça qui nous préoccupait tous les trois. Que ce soit quasiment rendu absurde de s’enfermer deux heures dans un théâtre."
Ainsi, plutôt que de se battre contre la télévision, les trois auteurs-metteurs en scène-interprètes ont décidé d’adopter son langage. Pour faire écho à cette ère du téléchargement dans laquelle nous vivons, cette époque où la téléréalité a damé le pion à Shakespeare, les créateurs ont opté pour une forme théâtrale tout aussi syncopée, tout aussi fragmentaire. "On a cherché une formule et c’est par elle que les thèmes se sont imposés. Il y a 11 saynètes, une vingtaine de personnages, une écriture très directe et pas de trame narrative pour relier tout ça. On trouvait ça important de passer d’un univers à l’autre, de zapper pour garder le spectateur plus attentif."
La musique a malgré tout pour mandat de nous entraîner d’un tableau à l’autre, de faciliter un voyage haut en contrastes. "On s’est vraiment forcé pour que la musique soit intimement liée à ce qui se passe dans une scène, qu’elle la commente et qu’elle donne un indice sur la prochaine. Sur ce plan-là, notre formation en théâtre musical nous a bien servi. Cela dit, notre prochain spectacle sera quasi assurément une production de théâtre musical, mais plus dans le registre off-Broadway. C’est une chose qui nous passionne tous les trois."
En bonne comédie satirique, Rushé devrait permettre de rire aux éclats, mais aussi de rire jaune. Pour Les Trois Têtes, pas question de rire sans se remettre en question, sans grincer un peu des dents. "Ça va du rire pelure de banane jusqu’au rire absurde comme celui des Monty Python ou d’Ionesco, explique Bisson. Ce sont toujours des situations où le temps amène un facteur de stress, où les émotions vont se bousculer et, par conséquent, amener des maladresses, comme c’est souvent le cas dans nos vies."
Jadis, on prédisait une société des loisirs pour tout l’Occident. Aujourd’hui, c’est plutôt une société esclave de ses besoins surdimensionnés qui se dessine sous nos yeux; des millions d’individus engagés corps et âme dans un inquiétant métro-boulot-dodo. C’est cette situation que le spectacle doit refléter, le constat qu’il doit constituer. Mais dans quel genre d’état est-ce qu’on sort de cette pièce? Déprimé, apaisé, galvanisé? "On vit dans un monde de fous, conclut laconiquement Bisson. Heureusement, on peut en rire!"