Jam Pack : Dans la marge
Marcelle Dubois nous plonge dans l’univers fantasmé de jeunes marginaux avec Jam Pack, nouvelle création dont elle signe le texte et la mise en scène. Un objet étrange et imprécis, qui laisse perplexe.
Après le succès d’Amour et Protubérances, Marcelle Dubois, directrice artistique du Théâtre les Porteuses d’Aromates, semble chercher une esthétique plus personnelle qui ne s’appuie plus sur les traditions théâtrales du jeu masqué et du bouffon. On a d’ailleurs la triste impression que Jam Pack est un spectacle de transition, une pièce qui explore à tâtons des territoires inconnus sans trouver le bon filon ni le bon ton.
Jam Pack et sa soeur Lulu vivent ensemble dans une petite maison en retrait d’un petit village juché sur une petite île. Incompris par les villageois, qu’ils interprètent eux-mêmes (et qui sont peut-être le fruit de leur imagination), ils survivent de leur mieux. Elle offre son corps aux passants; il cherche dans la science un remède à son "inaptitude à la socialisation".
Il y avait là une formidable occasion pour l’auteure d’exprimer son désarroi face au monde, mais ses personnages sont incapables d’identifier la nature de leur exclusion, préférant se plaindre de leur situation en de multiples variations poétiques. L’écriture de Dubois, à la fois lucide et enfantine, est certes vivifiante, mais elle tombe ainsi un peu à plat. Et outre le fait qu’ils en sont exclus et incompris, rien ne nous indique ce qui a forcé Lulu et Jam Pack à rejeter le monde. Il n’y a rien de mal à cultiver l’ambiguïté au théâtre, au contraire, mais ici, avec des prémisses aussi fragiles, on a beaucoup de mal à croire à l’univers qui nous est proposé et à laisser aller notre imagination.
La mise en scène essaie tant bien que mal d’installer un climat onirique et des images de naufrages et d’abandon, prenant appui sur une scénographie faite de cordages et de gigantesques os de baleine qui deviendront tantôt marionnettes, tantôt combinés de téléphone (un décor de Véronique Bertrand). Pourtant, au final, on ne retiendra que l’aspect ludique de cette installation.
Félix Beaulieu-Duchesneau est très convaincant dans ce rôle de scientifique cinglé, alors que Marie-Ève Pelletier joue de douceur. Mais le ton général, hélas, demeure toujours très enfantin, de sorte qu’on se demande vraiment à quel public s’adresse cet étrange spectacle.