Opium_37 : Les insomniaques s'amusent
Scène

Opium_37 : Les insomniaques s’amusent

Avec Opium_37, le Théâtre de Quat’Sous consacre, dans l’ambiance cabaret du Paris des années 1930, une ode aux artistes et à la marginalité.      

Quoi de mieux pour porter un regard sur les artistes et leur rôle dans la société que de plonger dans le Paris des années 1930, caractérisé par une effervescence intellectuelle et artistique sans pareille? C’est autour d’Anaïs Nin, célèbre pour ses journaux intimes et ses écrits érotiques, qu’est construite la pièce de Catherine Léger Opium_37, écrite en collaboration avec le metteur en scène du spectacle, Éric Jean.

Dans un café parisien, nous croisons les figures qui ont marqué à la fois la vie et l’oeuvre de l’auteure: son psychanalyste, l’écrivain Antonin Artaud et June Miller, épouse de Henry. Évelyne Rompré confère une grâce et un mystère fascinants à une Anaïs Nin qui se protège par ses écrits, se réinvente dans la fiction. Si l’on peut déplorer le manque de véritable trame donnant corps au texte, le spectacle, de type impressionniste, n’en reste pas moins une réussite. S’inspirant des photographies de Georges Brassaï, surnommé "l’oeil de Paris" par Henry Miller, Jean offre une mise en scène précise et dynamique, où des personnages immobiles sont constamment présents en arrière-plan, comme figés par un appareil photographique.

Le contexte historique et social dans lequel on se situe nous est rappelé par flashs, par une dame pipi omnisciente incarnée par Muriel Dutil. Elle sait la guerre qui arrive, le désastre en gestation, l’Amérique qui se prépare et qui imposera bientôt sa loi au monde. Opium_37 n’a toutefois rien d’une pièce historique. Il s’agit plutôt de la vision fantasmée d’une époque foisonnante au plan artistique, avant l’avènement du capitalisme et du cynisme.

Ceux qui nous sont connus aujourd’hui y côtoient des artistes anonymes, notamment Richard, un bègue paranoïaque touchant et drôle, interprété avec grand talent par Normand Daneau, ou une prostituée poétesse, incarnée par Martine-Marie Lalande, qui apporte une touche d’humour décalé tout à fait plaisante. Et à tout instant, les comédiens s’emparent d’un instrument et chantent, réjouissant nos oreilles. Seul bémol, le personnage d’Antonin Artaud, interprété avec peu de nuances par Daniel Thomas. On comprend certes qu’un affreux mal-être habitait l’auteur, mais on est trop agacé par les vociférations pour prêter une oreille attentive.