Revue 2008 / Danse : Tous azimuts
Scène

Revue 2008 / Danse : Tous azimuts

En 2008, tandis qu’une bonne partie de la communauté de la danse contemporaine s’affairait aux Grands Chantiers de la danse pour préparer les États généraux d’avril 2009, le public a profité d’une intéressante diversité de propositions.

Plusieurs centaines de programmateurs issus d’une quarantaine de pays ont afflué en novembre à Montréal pour la 13e édition de CINARS, l’un des plus gros marchés mondiaux des arts de la scène. Au moment même où ils magasinaient des spectacles de chez nous, le gouvernement Harper annonçait que, finalement, rien ne viendrait remplacer les programmes d’aide à la tournée qu’il a décidé d’abolir en avril prochain. Et tandis que 10 oeuvres de chorégraphes québécois sont ce mois-ci à l’affiche de deux festivals européens, bon nombre de compagnies se demandent comment faire face au déficit anticipé pour 2009 sans annuler leurs tournées.

Certains ont beau fonder beaucoup d’espoirs sur le nouveau gouvernement libéral, l’instabilité économique laisse craindre une période de vaches maigres pour les artistes en danse contemporaine. Parallèlement, des compagnies comme Lizt Alfonso Danza Cuba ont fait salle comble à la Place des Arts et la victoire du Québécois Nico Archambault à la première édition de l’émission So You Think You Can Dance Canada lui a valu un prix de 100 000 $ assorti d’une Mercedes neuve. Cherchez l’erreur.

Fort heureusement, il y a tout de même de bonnes raisons de se réjouir de l’année qui vient de s’écouler, à commencer par la vitalité des créateurs de tous âges. Margie Gillis a ému en rassemblant plusieurs générations de femmes dans son M.Body.7. Parmi elles, Anik Bissonnette commençait l’année en révélant une fragilité qu’on ne lui connaissait pas. Elle l’a terminée en quittant la scène pour prendre la direction de La La La Human Steps. José Navas a battu des records d’affluence avec le simple plaisir de danser en solo, tandis que Pierre-Paul Savoie et Roger Sinha ont opéré un audacieux retour à la scène: l’un en allant chercher des chorégraphes exilés, l’autre en frayant avec les technologies du son et de l’image. Dans la série des nombreuses oeuvres interdisciplinaires, Manon Oligny et Nelly Arcan ont rué dans les brancards avec L’Écurie et le FTA s’est distingué avec les propositions de Danièle Desnoyers, Benoît Lachambre et Dana Gingras.

Quatre créateurs dans la quarantaine ont peaufiné leur signature et affirmé leur talent. Mélanie Demers s’est associée à la Britannique Laïla Diallo pour Sauver sa peau en creusant la veine d’un conceptualisme à saveur surréaliste. Chanti Wadge nous a offert le rituel poignant de One Hundred Returnings, se distanciant avec humour de certaines pratiques spirituelles dans Just Beings. George Stamos, lui, a su s’entourer d’interprètes charismatiques, dérangeant juste assez le public de l’Agora pour le conquérir. Quant à Victor Quijada, il a proposé une intégration encore plus fine des styles qui l’inspirent en osant un usage théâtral plutôt réussi de la vidéo.

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La génération montante nous a réservé de très agréables surprises, dont la fascinante et jouissive occupation d’un 71/2 du Plateau par des chorégraphes réunis par La 2e Porte à Gauche. Andrew Turner a séduit par son aisance à briser le quatrième mur avec un humour désopilant et par la vigueur d’une gestuelle actuelle très masculine. Frédérick Gravel a renforcé son fan club avec ses pieds de nez aux codes de la danse, la pertinence du choix de son équipe, l’heureux mariage de la danse et d’un bon rock live et la puissance de certaines des études qui composent ses GravelWorks. Mêlant également musiciens rock et danseuses, Dominique Bouchard s’est illustrée au Fringe avec Fonction phatique. Comme Aurélie Pédron, Virginie Brunelle et Dany Desjardins, elle figure parmi les noms à surveiller. Ceux d’Élodie Lombardo et d’Hinda Essadiqi se sont exportés avec succès au Mexique.

Au chapitre des découvertes, on retient la diversité des créations catalanes qui ont ensoleillé l’été à l’Agora, l’intensité de la présence et de la performance de la Vancouvéroise Jung-Ah Chung, la dramaturgie cinématographique de la Belge Michèle Noiret, et la fabuleuse expérience de spatialisation du son qu’Isabelle Van Grimde a menée avec le compositeur Sean Ferguson. Et tandis que les Belges Anne Teresa De Keersmaeker et Wim Vandekeybus nous ont donné l’occasion de porter un regard historique sur leur oeuvre, Coleman, Lemieux & Compagnie ont fait mouche avec la reprise d’In Paradisum, de James Kudelka.

Et parmi tous les événements que le manque d’espace nous oblige à passer sous silence, il nous faut souligner que Dave St-Pierre nous a réservé la plus cruelle déception de l’année avec Warning, un spectacle aux allures de peep-show qui sert précisément ce qu’il croyait dénoncer.

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TOP 5 DANSE

1. BOLERO

De l’Allemand Raimund Hoghe. Pour le génie de la mise en scène d’une danse minimaliste capable de déclencher les plus profondes émotions.

2. CORPS NOIR

Du Québécois Stéphane Gladyszewski. Pour l’audace, la sensibilité et la force de la proposition qui rend vivant l’art visuel et donne du mystère à la danse.

3. LES MOTS DERRIERE LA VITRE

Du Français Hugues Hollenstein. Pour une parole magistralement incarnée dans la danse et pour une rage de vivre qui fait du bien à l’âme.

4. QUARANTAINE 4X4

De la Québécoise Charmaine LeBlanc. Pour le parfait équilibre de la multidisciplinarité et l’humanité d’un bel hommage au masculin, éternel et quotidien.

5. BASSO OSTINATO

De l’Italienne Caterina Sagna. Pour le talent des interprètes, l’atmosphère kafkaïenne et la perfection de la structure.