Louise Marleau / Pau Bachero / Jean Asselin : Liaisons dangereuses
Scène

Louise Marleau / Pau Bachero / Jean Asselin : Liaisons dangereuses

Jean Asselin invite l’actrice Louise Marleau et le mime catalan Pau Bachero à un dialogue entre le verbe et le corps dans La femme française et les étoiles.

1923. Le poète Louis Aragon publie La Femme française, un roman racontant par une série de lettres la quête de liberté sexuelle d’une bourgeoise qui saisit toutes les occasions de s’affranchir des carcans de la morale pour découvrir qui elle est.

"J’ai été fasciné par la question de la sexualité, son rapport à la mort et par ces petites étoiles entre chacune des lettres, commente le metteur en scène Jean Asselin. Je les trouvais intéressantes pour la dramaturgie d’Omnibus, car j’y voyais l’application systématique de ce qui a été notre slogan: l’acte et le verbe. On joue ce qui se passe dans les ellipses que représentent ces étoiles et on demande au corps d’être aussi signifiant que la parole en disant d’autres choses."

Dans l’adaptation théâtrale de ce roman épistolaire, 30 ans se sont écoulés entre le moment où la libertine libertaire a écrit ces 119 lettres à son amant et celui où elle les relit. Incarnée par Louise Marleau, qui trouve là, après L’Intimité, aussi créé chez Omnibus en 2005, une occasion stimulante de se frotter au théâtre de recherche, elle fait revivre en pensée cet homme plus jeune qu’elle, aux idées plus conventionnelles, qui a tant souffert de ses frasques. "Un dialogue s’instaure entre nous: elle me parle avec ses lettres, je réponds avec mon corps, explique Pau Bachero à peine débarqué d’Espagne au moment de l’entrevue. Au début, on ne se regarde pas et peu à peu, il y a des interactions."

Comédien fondateur de l’École de mine corporel dramatique de Barcelone, le jeune trentenaire est venu parfaire sa connaissance du mime de chez nous en plongeant dans la création après avoir effectué un stage, l’an dernier, chez Omnibus. "Il a une maturité humaine et artistique qui manque à beaucoup d’artistes de son âge ici et qui est nécessaire au mime surréel, affirme Asselin. Il doit être comme une sur-marionnette avec une qualité de phrasé gestuel particulier et une capacité à faire cohabiter plusieurs âmes dans le même corps. Par exemple, le corps peut être occupé par une action tandis qu’il se passe autre chose dans le bras, comme une queue de chat qui commente."

Face à cette image corporelle relevant de la mémoire et de l’imaginaire, le corps de Marleau est tout aussi engagé mais bien ancré dans le quotidien. Le texte, en revanche, est déclamé de manière non réaliste, avec une certaine distance et un léger décalage de façon à en laisser surgir toute la poésie surréaliste.

"La grammaire et la façon d’organiser une phrase est absolument illogique au plan rationnel, s’exclame la comédienne qui devra éclairer les zones les plus obscures du texte afin de les rendre intelligibles pour le public. Même si j’ai l’idée dans la tête, mettre les mots dans le bon ordre est une élucubration incroyable. C’est très très exigeant du point de vue de la mémoire parce que les liens ne sont pas logiques non plus. C’est difficile, mais c’est jouissif pour les mêmes raisons. J’aime la beauté de cette langue, et l’idée d’appliquer cette espèce de philosophie mâle à ce personnage féminin a quelque chose de provocant, pour moi, qui me plaît beaucoup."