Normand Chouinard : Le triomphe de l'amour
Scène

Normand Chouinard : Le triomphe de l’amour

Pour sa troisième mise en scène au TNM, Normand Chouinard donne vie à un coup de foudre de jeunesse, Le mariage de Figaro.

En 1999, le Théâtre du Nouveau Monde présentait Le barbier de Séville, de Beaumarchais, dans une mise en scène de René Richard Cyr. Près de 10 ans plus tard, voici la suite des aventures du comte Almaviva et de son domestique, Figaro, un projet que Normand Chouinard caressait de longue date. "Cette pièce est un coup de foudre d’adolescence, explique le metteur en scène. Je l’ai découverte pendant mon cours classique et je l’ai immédiatement adorée. Non seulement elle est très festive, mais elle est prémonitoire de la Révolution française."

Montée pour la première fois en 1784 après avoir subi de nombreuses censures, la pièce de Beaumarchais constitue en effet une critique acerbe des privilèges de la noblesse. Ceci ne l’empêche cependant pas, selon Chouinard, de conserver une actualité: "C’est une pièce sur l’abus de pouvoir et le harcèlement sexuel, choses qui existent toujours. Le public va certainement se reconnaître dans la lutte de Figaro et de Suzanne contre la tyrannie."

Entre les deux pièces de Beaumarchais, trois années se sont écoulées. Le comte Almaviva, qui avait enlevé et épousé Rosine dans Le Barbier de Séville, s’intéresse maintenant de près à la jeune Suzanne, que son valet, Figaro, est sur le point d’épouser. Il entend bien se prévaloir du droit de cuissage accordé à la noblesse pour la conduire dans son lit avant ses noces. Mais ni la jeune femme, ni Figaro, ni la comtesse ne l’entendent de cette oreille. Ils vont donc s’allier afin de déjouer les projets du comte.

Pour incarner Figaro, Chouinard a choisi Emmanuel Bilodeau.

"Figaro est un homme plein de ressources. Il a l’esprit et l’intelligence d’un maître, mais il est né serviteur. Comme la Révolution n’est pas encore faite, il se débrouille. Dans cette pièce, il est cependant confronté à ses propres limites. C’est la première fois qu’il est amoureux, et il en perd tous ses moyens. Ça, Bilodeau le rend parfaitement." À ses côtés, une large distribution comptant notamment Normand D’Amour (le comte), Bénédicte Décary (Suzanne) et Violette Chauveau qui, d’après le metteur en scène, incarne une comtesse d’une grande complexité, tout à la fois amoureuse, lucide, active, tragique et comique.

Impossible de mentionner la pièce de Beaumarchais sans que l’on pense immédiatement à l’opéra de Mozart, Les noces de Figaro, que le compositeur écrivit suite au succès remarquable de la comédie. "Tout le monde connaît les grands airs de l’opéra de Mozart, explique Chouinard, qui en est lui-même un fervent amateur. J’ai donc eu l’idée d’ouvrir une fenêtre et de laisser passer un courant d’air de Mozart, quelques notes qui se promènent."

Pour cela, le metteur en scène a fait appel au concepteur sonore et compositeur Yves Morin, avec lequel il avait déjà travaillé dans L’hôtel du libre-échange et Ubu roi. "J’ai imaginé le comte Almaviva en train de faire de l’abus de pouvoir sur un musicien comme il le fait sur sa femme ou sur Figaro. Mozart lui-même a subi pendant des années la tyrannie de l’archevêque de Salzbourg qui le traitait rudement et le contraignait à écrire du matin au soir des messes, des couronnements, des bals, du divertissement, des quatuors, des symphonies, des concertos…" Un musicien muet sera donc présent sur scène pendant toute la durée du spectacle, distillant des mélodies mozartiennes, et deux chanteurs classiques professionnels, Catherine B. Lavoie et Antoine Gervais, seront de la distribution.

Enthousiaste, Normand Chouinard conclut: "Je pense que la pièce est optimiste, pas béatement, mais plutôt avec conscience de notre propre force d’action. Je voudrais que les spectateurs quittent la salle avec la joie d’avoir assisté au triomphe de l’amour sur les injustices et les tyrannies."