Hedda Gabler : Le feu sous la glace
Scène

Hedda Gabler : Le feu sous la glace

Avec Hedda Gabler, pièce venue du froid, on entre dans un univers figé par les principes. Où éclatent parfois, encore plus vives, d’imprévisibles flambées de passion.

Un intérieur bourgeois: piano, foyer, meubles et riches étoffes. Hedda Gabler, jeune femme intelligente et belle, y vit. Et surtout, s’y ennuie. Tout juste mariée à Jorgen Tesman, homme bon et un peu naïf, mari prévenant, certes, mais tout entier dévoué à sa science et aveugle à la détresse de son épouse, elle doit côtoyer une tante envahissante, un ami avec qui causer, mais qui souhaiterait davantage. Puis, Hedda Gabler voit surgir chez elle une amie d’école, Thea Elvsted, et une ancienne flamme, Eilert Lovborg, à qui l’unissait une passion sourde, peut-être entravée ou jamais révélée parce qu’inconvenante entre une jeune femme de bonne famille et un homme à la vie dissolue. C’est ce qu’on devine, le plus important ne se disant jamais dans ce monde de conventions et d’apparences. Ce retour de Lovborg va exacerber le malaise pétrifiant l’héroïne et surtout, déclencher une série d’événements désastreux. Froide, malveillante, parfois inquiétante, riant hors de propos ou jouant avec un pistolet chargé, Hedda Gabler est dure, égoïste, imprévisible. Et peu à peu prise d’une fièvre de tout détruire; pour tromper son ennui, pour échapper à cette vie dont elle n’ose pas sortir.

Pour servir ce texte (1890) du Norvégien Henrik Ibsen, peignant le portrait d’une femme étouffant dans un monde fermé, la mise en scène de Lorraine Côté s’appuie sur un travail de conception remarquable: décor élégant, costumes somptueux, éclairages magnifiques, froide lumière du nord. Le tout crée une cage dorée encombrée d’objets, où manque l’essentiel. Elle mise également sur une brochette de comédiens au jeu solide, mais par moments un peu trop appuyé. Jean-Sébastien Ouellette, Valérie Marquis et Véronique Côté, dans le rôle-titre, y apparaissent particulièrement justes. Elle campe avec aplomb une Hedda Gabler ironique, glaciale même sous les sourires. Toutefois, on aimerait la sentir, parfois, un peu moins stoïque, et qu’affleure davantage son trouble, ce qui éclairerait d’une lumière plus vive les égarements de ce personnage antipathique mais souffrant.

Pièce de l’enfermement graduel, drame de l’égocentrisme de chacun, des rapports factices, Hedda Gabler apparaît bien sombre. À l’image de cette femme seule parmi tous, incomprise et se piégeant elle-même.

À voir si vous aimez /
Maison de poupée, d’Henrik Ibsen, Mademoiselle Julie, d’August Strindberg, La Mouette, d’Anton Tchekhov.