Margie Gillis : Paysages intérieurs
Scène

Margie Gillis : Paysages intérieurs

Tout, chez Margie Gillis, est plus grand que nature. Sa carrière, sa longue chevelure rousse, sa sensibilité… Rencontre avec une des plus grandes ambassadrices de la culture québécoise.

Au bout du fil, le souffle est court et la voix, traversée de cet accent anglophone irrésistible: "Je m’excuse, je viens juste d’arriver! J’étais dans une rencontre ce matin avec les artistes et le nouveau ministre fédéral de la Culture [NDRL: du Patrimoine]", raconte-t-elle d’emblée. Même si la grande dame de la danse garde une bonne impression du ministre James Moore, elle reste méfiante: "Je suis activement contre le gouvernement conservateur, je n’ai pas confiance en eux du tout, du tout!" spécifie-t-elle en éclatant de rire.

Quand il est question de culture et de société, Margie Gillis n’est jamais trop loin. C’est le modus vivendi de ses 35 ans de carrière, qu’elle a fêtés en 2008. À l’aube de cette 36e année, à l’âge de 55 ans – un record en soi, il va sans dire -, comment se sent la soliste, chorégraphe, féministe et humaniste reconnue internationalement? "Je suis plus âgée et ça représente un autre défi; mais les défis, on en croise à chaque étape de notre vie, relativise-t-elle. J’ai toujours cette curiosité, ce désir qui me poussent à faire cette exploration de l’âme humaine et à voir comment elle se manifeste dans notre corps, que ce soit un corps d’enfant, de jeune fille, de dame mature ou chez une femme plus âgée."

DANSER SA VIE

Cette exploration est au centre de la toute dernière création de Gillis, M.Body.7, qui réunit autour de la chorégraphe sept danseuses de haut calibre (Gioconda Barbuto, Holly Bright, Laurence Lemieux, Emily Molnar, Risa Steinberg, Eleanor Duckworth et Anik Bissonnette), en plus de la petite fille de Bissonnette, créant un spectre allant de 11 à 72 ans. Le public de la capitale pourra enfin apprécier cette oeuvre acclamée lors de son passage à Montréal et à Vancouver. Ce sera d’ailleurs un moment unique, car Bissonnette, ex-danseuse étoile des Grands Ballets Canadiens, fera ce soir-là ses adieux à la scène.

Dans cette oeuvre, Margie Gillis se penche sur la condition humaine et la relation entre collectivité et identité. Si la première partie présente deux solos, un dansé par Holly Bright et l’autre par Gillis, la deuxième partie, intitulée Ici, met en scène l’ensemble des interprètes. Le titre, M.Body.7 – faisant référence au mot anglais embody, signifiant "incarner" -, prend ici tout son sens, alors que chaque interprète féminine incarne son propre univers, avec ses problèmes, son courage et ses limitations. Au fil de la chorégraphie, les univers entrent en contact et viennent se rejoindre, au-delà des différences. "Je voulais créer une communauté, montrer qu’on peut être ensemble; ce n’est pas que leurs voix, c’est la même voix; mais à travers les différences et les individualités émerge la collectivité", résume la danseuse.

Si, pour Gillis, la danse est un moyen d’expression fort et vrai, cette dernière peut donc contribuer à améliorer la société et à rendre notre espèce plus sensible à la nature qui l’entoure. "La danse ne peut pas mentir, c’est une vérité, une manifestation de notre paysage intérieur. J’aime dire qu’on est des petites pièces de nature; travailler avec cette petite pièce de nature donne une chance de comprendre ce qui nous unit à la nature et c’est quoi cette expérience d’être humain… C’est une expérience qui est globale."