Réal Béland : Au bout du fil
Après avoir fait le tour de la province pendant un an et demi, une grande période de réchauffement que ses nombreux admirateurs ont beaucoup appréciée, Réal Béland dévoile enfin aux Montréalais son nouveau spectacle, Simplicité volontaire.
Le nouveau spectacle de Réal Béland débute avec un monologue de huit minutes et se termine avec quatre chansons de Live in Pologne, ce docu-menteur dans lequel l’humoriste se fait passer pour une véritable superstar de la chanson… en Pologne. Le chanteur aux cheveux hérissés est l’un des multiples personnages à intervenir dans Simplicité volontaire.
Empruntant la voix de Monsieur Latreille ou du Docteur Simpliste, Béland téléphone à différents endroits pour créer des quiproquos. Il lui arrive même de prendre la voix d’un spectateur pour appeler l’une de ses connaissances. "Je règle des problèmes en appelant pour eux", précise l’humoriste. Si le problème provient d’un objet emprunté et non rendu, Béland essaie de faire en sorte que les gens viennent porter l’objet en question dans la salle. Il paraît même que lors de certaines représentations, ça a fonctionné!
COUPS… AU TELEPHONE
Le spectacle est donc carrément monté à partir de ces coups au téléphone. "C’est un show qui s’appelle Simplicité volontaire, explique Béland, justement parce qu’il n’y a rien. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de jeux de lumières, il n’y a pas vraiment de textes non plus. Il n’y a pas de décors, pas de costumes. Il y a seulement moi et mes personnages qui font des coups au téléphone. C’est simple, mais aussi sans filet."
En effet, la méthode n’est pas reposante. On serait tout de même tenté de croire que l’homme scénarise ses coups de fil. "Les personnages, je les connais bien, parce que je les ai faits à la radio ou sur scène. Je sais comment ils parlent, comment ils réagissent. Ça reste que ces personnages-là sont les straight men. En réalité, ce sont les gens que j’appelle qui font les lignes comiques. C’est eux autres qu’on a le goût d’entendre, encore plus que les personnages."
Pour appeler les gens, Béland a des prétextes à revendre. "Chacun des personnages a son petit pattern différent. Latreille, lui, fait simplement retourner l’appel. Docteur Simpliste demande toujours conseil aux pharmaciens. Alors j’appelle dans une pharmacie; et souvent les pharmaciens collaborent très bien quand un médecin demande conseil. Je vais aussi prendre la voix de quelqu’un dans la salle et je vais appeler une de ses connaissances en me faisant passer pour lui. À part ça, les gens vont me lancer des phrases bizarres que je vais écrire au tableau pis que je vais essayer de passer dans un appel."
Il faut dire que l’humoriste, improvisateur dans le sang, a un goût marqué pour le danger. "Je pense que c’est notre métier, les humoristes, d’être un peu plus audacieux que d’arriver avec un texte tout prêt d’avance. Moi, j’aime ça prendre des risques. L’idée, c’est d’animer les gens et que même si ça ne marche pas, le téléphone, ils aient quand même du fun à me voir essayer. Je suis assez têtu. Souvent, je dirais à 90 %, je réussis à faire un appel qui a de l’allure."
Il y a déjà un an et demi que l’humoriste rode Simplicité volontaire. À l’origine, il souhaitait improviser tout son spectacle. Quelques représentations au Vieux Clocher de Magog l’ont toutefois convaincu d’ajouter un peu de structure à son solo. "Des soirs, c’était extraordinaire et d’autres, moins. Des fois, tu essaies d’appeler et ça ne répond pas ou c’est occupé. Plus ça allait, plus j’avais le goût d’écrire des numéros, plus je sentais que le spectacle avait besoin d’un début, d’un milieu et d’une fin. C’est ça que j’ai construit, devant le public, en une trentaine de shows. En ce moment, c’est à peu près 50 % d’improvisation et 50 % de matériel écrit. Je pense que je suis pas mal arrivé à ce que je voulais. Je suis en confiance en tout cas."
Les tours sont devenus l’une des marques de commerce de Béland. Celui qui a fait ses débuts à la télé comme auteur, concepteur et comédien pour Surprise sur prise s’est rendu jusqu’au Japon pour provoquer les situations incongrues du film Nos voisins Dhantsu. Qu’est-ce qui le pousse à exploiter ce filon, même sur scène? "J’aime la spontanéité et les vraies affaires. Quand on est comédien, on essaie de reproduire le vrai monde. Y a rien de plus drôle que les vraies situations. Les vraies affaires, je trouve ça pas mal plus efficace."
Il y a quelques années, Béland s’est même mis à la production. Sentant venir la retentissante faillite d’Octant, il a rapatrié ses droits et démarré sa propre compagnie de production, Champ Gauche. Depuis, il produit tous ses projets, mais aussi ceux d’autres humoristes. "C’est plus facile de défendre les idées d’un autre", estime-t-il. Sur les cinq DVD en nomination au dernier Gala Les Olivier, quatre avaient d’ailleurs été produits par Champ Gauche, dont celui du gagnant, Martin Matte.
OMNIPRATICIEN DE L’HUMOUR
De la radio au cinéma en passant par le petit écran, de la télésérie Les Boys aux Parlementeries 4 en passant par la Semaine de la métallurgie de Portneuf, Réal Béland ne s’interdit rien. En fait, comme il l’a maintes fois répété, l’homme n’aime pas faire deux fois la même chose. Il a besoin de changer d’air. "Quand je fais quatre ou cinq soirs de spectacle en ligne, je suis à bout de souffle. C’est plate à dire, mais je ne serais jamais capable de faire l’horaire de Louis-José Houde ou de Martin Matte. De toute façon, je ne vends pas assez de billets pour ça; et c’est tant mieux parce que je ne serais pas capable de tenir le coup. Honnêtement, je ne sais pas comment ils font. En fait, j’aime passer d’une chose à l’autre: faire des jobs en studio, réaliser des affaires, écrire… Quand je travaille sur un truc, ça me donne des idées pour un autre projet." Il faut aussi dire que c’est un bon moyen de rejoindre un public plus vaste et plus diversifié. "C’est vrai, lance l’humoriste. D’ailleurs, les gens qui viennent me voir en spectacle me disent souvent que c’est vraiment différent de ce que je fais à la télé ou au cinéma. Il faut dire que j’aborde la scène d’une tout autre façon."
Cela dit, de tous les moyens d’expression, Béland admet que le cinéma l’intéresse tout particulièrement. D’abord comme spectateur. "J’aime beaucoup le cinéma français, des films un petit peu plus underground, mais je consomme à peu près de tous les genres de cinéma. Sauf peut-être la science-fiction. Aussi, comme j’ai trois filles d’âges assez différents, je vois tous les Harry Potter de ce monde." Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’homme n’est pas un grand amateur d’humour. "J’écoute toujours les films de Pierre Richard, de Louis de Funès, des Monty Python… mais depuis 10-15 ans, je ne consomme plus vraiment d’humour. J’ai de la misère à me détendre quand je vois de l’humour. Pour vous donner une idée, cette année, le seul spectacle d’humour que j’ai vu, c’est celui de Jean-François Mercier."
Après Nos voisins Dhantsu et Live in Pologne, l’insaisissable créateur est sur le point de dévoiler un nouveau film, conçu pour la télévision, et qui se déroule, du moins en partie, en Inde. "Ça n’a rien à voir avec ce qu’on a fait avant, explique Béland. C’est une histoire qu’on a écrite, carrément. On ne s’est pas donné de marge de manoeuvre, pas de place pour improviser. On est allé tourner une dizaine de jours en Inde, un tournage parfois laborieux, mais le film se passe aussi au Québec."
Le scénario semble prometteur, mais aussi particulièrement farfelu. "C’est l’histoire d’un Québécois qui va se réincarner dans le corps d’un Indien, mais sans oublier que ses origines sont québécoises. Il va avoir des idées de chansons qui ont déjà été faites au Québec, en pensant que c’est lui qui les a créées, jusqu’à ce qu’il découvre d’où lui vient son inspiration, qu’il réalise que dans le fond de lui, c’est un Québécois. On va le voir chanter et danser à la Bollywood, mais le film n’en est pas un de variétés comme pouvait l’être Live in Pologne." Réalisé par Pierre Paquin (Caméra café, Live in Pologne), le film devrait être diffusé à Super Écran (un partenaire de choix pour Béland) en juin ou juillet prochain. Pour les amateurs d’absurde consommé, c’est ce qu’on appelle un rendez-vous! (Christian Saint-Pierre)