Broue : Dans la trentaine
La pièce Broue célèbre ses 30 ans, c’est-à-dire l’âge de l’introspection, des bilans et des nouveaux départs. Retour sur le phénomène avec Michel Côté, plus que jamais déterminé à sillonner la province.
Infatigable, Michel Côté savoure encore l’expérience qu’il partage depuis 30 ans avec ses acolytes Marc Messier et Marcel Gauthier. "Broue fait intrinsèquement partie de ma vie, dit-il dans un souffle. J’attends chaque année le moment de notre tournée avec impatience et excitation, comme un joueur de hockey fébrile en début de saison." En cours de conversation, cette métaphore du hockey reviendra souvent.
Il est vrai que l’histoire de Broue a quelque chose d’olympique: c’est une histoire de performances physiques, de tournées à travers le Québec (et parfois le Canada et les États-Unis), de complicité entre gars, de succès et de célébrations. Et surtout, c’est l’histoire féerique d’un exploit de durabilité: Broue détient maintenant le record Guinness du plus grand nombre de représentations théâtrales d’une même pièce avec une même distribution.
"L’expérience de la longévité au théâtre, c’est un privilège exceptionnel, ajoute Côté. Nous sommes les seuls à avoir vécu cela, ce qui nous confère une sorte d’expertise. Après 30 ans, c’est devenu très spécial, nos personnages vivent tout seuls, et on n’a qu’à s’amuser à éviter les automatismes, à jouer avec le rythme et tâter le pouls du rire de la salle. C’est fascinant d’être aussi confortable dans un spectacle, sans que jamais la routine ne s’installe."
S’il se réjouit du succès populaire de la pièce, répétant qu’on ne se lasse jamais de la reconnaissance du public, le comédien voudrait bien que le 30e anniversaire soit aussi le moment d’une plus grande reconnaissance de la part du milieu théâtral et des élites québécoises. "J’en ai assez que l’on méprise Broue parce que c’est du théâtre populaire. On n’a jamais tendance à vouloir situer Broue dans l’histoire du théâtre au Québec ou à considérer le spectacle avec sérieux. Pourrions-nous enfin reconnaître qu’un succès aussi foudroyant mérite sa place dans la réflexion sur le théâtre au Québec?"
Le message est lancé. En attendant, si vous faites partie des 80 % de Québécois qui n’ont pas encore vu la pièce, c’est votre chance de remédier à la situation. D’autant que, selon le comédien, le spectacle se bonifie avec le temps. "On est très conscients que les attentes sont toujours plus élevées et comme on est orgueilleux, on voudra toujours surpasser les attentes. C’est une promesse!"
CHAPITRES MECONNUS
Au fil des années, on a souvent rappelé les débuts modestes de la pièce au Théâtre des Voyagements et la surprise qu’a causée son succès inattendu. Michel Côté sait bien que Broue est aujourd’hui perçue comme une comédie ultralégère, mais se rappelle-t-on que les trois jeunes comédiens, très sérieux, voulaient autrefois "exorciser le passé macho du Québec des tavernes, tourner une page de l’histoire et forcer l’homme à se regarder en face"? Vous rappelez-vous du succès de la version anglaise de Broue, qui a fait rire les publics du Canada et des États-Unis pendant un peu plus de deux ans? De sa version belge, Chez Willy, qui a tenu l’affiche pendant sept ans? Décidément, l’histoire est assez touffue pour qu’on daigne l’entendre. Anecdotes, statistiques et historique complet au www.broue.ca. (P.C.)