Claude Poissant : Ceux qui restent
Scène

Claude Poissant : Ceux qui restent

Claude Poissant désirait nous faire partager une de ses trouvailles littéraires en mettant en scène Je voudrais me déposer la tête de Jonathan Harnois. Mot à mot.

C’est par hasard que Claude Poissant a découvert Je voudrais me déposer la tête de Jonathan Harnois. "Je trouvais ce titre très joli, se souvient-il quant à la raison l’ayant poussé à acheter ce roman avant de partir en voyage. Je l’ai lu en un seul souffle et je suis resté là-dessus pendant des jours à me dire: "Il faut que je fasse quelque chose avec ça." Il y avait là une prise de parole d’une telle authenticité, d’une telle sincérité."

Plus précisément, il s’agit du parcours d’un jeune homme qui doit faire face au suicide de son meilleur ami. "Ludo se lance dans une espèce de traversée de lui-même en retournant à l’endroit où Félix s’est tué, observe-t-il. Alors qu’il marche en compagnie de sa douce, à travers la banlieue, la campagne, pour arriver au bord du fleuve dans le village de Saint-Sulpice, il nous raconte à la fois ce qu’il voit et ce qu’il ressent."

À son retour à la maison, Poissant n’a donc pas tardé à contacter l’auteur pour le rencontrer. Une semaine plus tard, il lui annonçait ses intentions: "J’ai le goût de faire une adaptation théâtrale de ton roman et je n’en changerai pas une ligne. Je veux que ça reste de la prose parce que c’est ce que j’ai lu et aimé." Avec sa collaboration, il a ensuite choisi les éléments à retrancher, en plus de concevoir quelques tableaux supplémentaires pour le spectacle.

Bien sûr, l’exercice devait amener son lot de difficultés. "J’ai passé une vingtaine de comédiens en audition, mais je ne trouvais aucun Félix et plein de Ludo, relate-t-il. Alors, j’ai décidé de mettre en scène trois Ludo complètement différents. Ce sont eux qui nous racontent l’histoire, en parlant ensemble ou en se passant la parole. S’il n’y avait eu qu’un seul narrateur, j’ai l’impression qu’il aurait manqué certaines couleurs que je voulais trouver."

Côté jeu, il tenait à éviter la simple illustration de ce qui est dit. "Physiquement, j’ai essayé que ce soit juste suggéré. Certains moments exigent des prouesses pour évoquer tout ça, mais le but était toujours de garder le texte à l’avant. Il fallait passer à travers chaque moment du roman pour savoir s’il était à trois voix ou à une, lequel des personnages éprouve le plus de colère, le plus de tristesse, lequel est dans le temps présent ou a un peu plus de distance…"

En ressort un certain dépaysement, dont ils ont pu mesurer l’effet lors de la création de la pièce, l’année dernière à Montréal. "Les gens nous disent qu’au début, ils sont un peu happés par la manière de faire, comme si on ne leur donnait pas beaucoup le temps de s’émouvoir, et c’était l’objectif, c’est-à-dire qu’ils sont hypnotisés par le propos, le sujet, la façon dont ça vit, et que la véritable émotion surgit au moment où on les quitte. On sent qu’on les laisse avec une espèce de frisson, de réflexion", conclut le metteur en scène.