La Femme française et les Étoiles : Poste restante
Scène

La Femme française et les Étoiles : Poste restante

En portant à la scène La Femme française et les Étoiles, Omnibus donne un relief inattendu à un texte méconnu de Louis Aragon.

Rarement le projet d’Omnibus, conjuguer le geste et la parole, a-t-il été illustré de manière aussi littérale. Tandis qu’une femme (Louise Marleau) relit à voix haute les 119 billets écrits 30 ans plus tôt à un amant, celui-ci, ou plutôt le souvenir de celui-ci (sous les traits du mime Pau Bachero), y va de réponses gestuelles, silencieuses mais non moins parlantes.

Adaptation d’un texte d’Aragon paru en 1923, La Femme française et les Étoiles révèle bientôt la nature d’une relation trouble, où la femme clairement menait la danse, jouait avec l’homme, plus jeune qu’elle, infiniment plus naïf (on se dit que même autrefois, sa parole devait avoir peu de poids), comme un chat joue avec une souris après l’avoir croquée vive.

On pourra voir dans les sculptures trônant dans ce décor bourgeois, rouge comme l’amour, un reflet de ses ambiguïtés à elle. La cohabitation de figures d’art nègre et d’une silhouette de Giacometti souligne sans doute la dispute intérieure – était-ce bien utile? – entre le côté intuitif, sauvage d’un être avide d’émotions fortes et un côté plus civilisé, policé par une éducation bon chic, bon genre. Derrière interviennent parfois des projections y allant de clins d’oeil à Magritte (Eddie Rodgers), qui se veulent minimales mais sont surtout scolaires, plutôt maladroites.

Les maîtres d’oeuvre Jean Asselin et Marie Lefebvre – qui resservent ici un spectacle créé il y a dix ans – ont réussi à installer entre les protagonistes une tension réelle, faite d’attirances et de refus, de soifs et de défilements. Véritable duel en sol imaginaire, leur rapport, dicté par un texte cérébral, empreint de perversité, a cependant pour cadre une scène un peu trop chargée pour que la performance du mime catalan prenne toute son ampleur.

La mécanique n’est pas sans faille, donc, mais Louise Marleau demeure de bout en bout impériale, portant avec une élégance brisée un texte parfois difficile, pendant que son vis-à-vis est souvent impressionnant de justesse, jusque dans les mouvements, nombreux, comportant une violente charge érotique.

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