Krzysztof Warlikowski : Écorchés vifs
Scène

Krzysztof Warlikowski : Écorchés vifs

Dans un recueil d’entretiens intitulé Théâtre écorché, le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski, que le Théâtre français du CNA s’apprête à accueillir, donne quelques-unes des clés de son univers fascinant.

Né en 1962, Krzysztof Warlikowski exerce le métier de metteur en scène depuis le début des années 90. En 2001, au Festival d’Avignon, la France découvre son immense talent. Son Hamlet, un spectacle qui offre une cruelle représentation des ambivalences de notre époque, frappe les imaginaires. Entre les amateurs de théâtre les plus exigeants et ce Polonais capable d’aborder ouvertement des sujets aussi délicats que l’homosexualité, la fausse religiosité et l’Holocauste, c’est le début d’une grande aventure.

En 2002, sa relecture de Purifiés, l’un des brûlots de Sarah Kane, récolte prix et éloges. À Montréal, l’année suivante, le spectacle est l’un des moments forts du FTA. Depuis, Warlikowski a notamment monté Le Dibbouk d’après Sholem An-Ski et Hanna Krall, Angels in America de Tony Kushner, et Krum de Hanokh Levin, un spectacle qui, grâce à Wajdi Mouawad, prend bientôt l’affiche du Théâtre français du Centre national des Arts (CNA), à Ottawa.

Dans l’ouvrage conçu et réalisé par Piotr Gruszczynski, également auteur d’une introduction éclairante, les propos de Warlikowski (des entretiens qui ont été réalisés entre 2005 et 2007) révèlent les formes et les ambitions de sa pratique théâtrale. L’homme évoque entre autres sa manière de choisir les textes, son engouement renouvelé pour Shakespeare, sa méthode de travail, pas du tout conventionnelle, les raisons pour lesquelles il se consacre de plus en plus à l’opéra ("un énorme casse-tête" qui "devient rapidement une drogue") et le rapport conflictuel qu’il entretient avec son pays natal.

En revenant sur certaines de ses plus marquantes créations, il inscrit brillamment son théâtre dans la société contemporaine. "On dit parfois qu’on ne va pas impunément au théâtre. On ne peut pas non plus faire du théâtre impunément, c’est un engagement des deux côtés. Si tu as l’intention de t’occuper de toi et de ton art, tu peux être génial mais tu ne feras jamais un théâtre qui entre en dialogue avec le public, qui l’ébranle."

Les propos tranchants et novateurs de Warlikowski rendent la lecture de ce livre passionnante. On trouve, sous la même couverture, un cahier de photographies couleurs, un récapitulatif des créations et une postface de Georges Banu, théoricien du théâtre et codirecteur de la superbe collection dans laquelle s’inscrit l’ouvrage, "Le Temps du théâtre".

Théâtre écorché
de Krzysztof Warlikowski
Traduit par Marie-Thérèse Vido-Rzewuska
Éd. Actes Sud, 2007, 214 p.

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KRUM

Du 17 au 21 février, le Théâtre français du Centre national des Arts accueille, en exclusivité canadienne, Krum, une pièce de l’auteur israélien Hanokh Levin, jouée en polonais avec des surtitres français et anglais, une partition grinçante, transformée par Warlikowski en un spectacle jouissif, un théâtre qui, dit-on, décoiffe autant qu’il bouleverse. Dans un entretien accordé en 2005, le créateur polonais explique à quel point ce spectacle est pour ainsi dire en rupture avec ce qu’il a fait auparavant. "Avec le texte de Krum, je pouvais pénétrer dans une sorte d’intimité et montrer un jeune homme débarrassé de ses piquants. La sphère embarrassée de l’intimité et le désir de descendre dans l’homme sont devenus pour moi des besoins. Le voyage vers l’intérieur de l’homme, non pas d’un homme hérissé de piquants mais d’un homme désarmé, vers ces sphères les plus intimes qui restent un tabou dans la majorité des cultures européennes."