Alan Lake : Fantasmagories
Scène

Alan Lake : Fantasmagories

Dans Chaudières, déplacements et paysages, Alan Lake met en place un univers tissé de ses fantasmes intérieurs et offre une première création sous le signe de la pluridisciplinarité.

Dans le studio situé au Centre chorégraphique de La Rotonde, l’ambiance est à la fébrilité. "Bienvenue dans la chaudière!" me lance d’emblée un Alan Lake en effervescence. Sur la scène, de grandes bâches sont accrochées au plafond, structurant l’espace, alors que la musique éthérée de Josué Beaucage joue en trame de fond. "La musique de Josué me fait entrer dans un univers complètement planant, fantasmagorique. Les femmes y deviennent des nymphes, des chimères", décline celui qui en est à sa première création, mais qui ne chôme pas en tant qu’interprète depuis qu’il a été diplômé de l’École de danse en 2007.

Le titre, au premier abord, intrigue. Au départ, explique Lake, Chaudières, déplacements et paysages n’était qu’une façon de dire "objet, danse et film", les trois pivots autour desquels la pièce s’est construite. "La chaudière est le symbole incubateur d’une charge qu’on transporte", indique-t-il. Puis, au fil du processus de création, les objets avec lesquels le chorégraphe a travaillé se sont épurés et poétisés: "L’objet est devenu un canalisateur; on part de son énergie brute pour le rendre sensuel, baroque, beau."

Voilà pour les chaudières. Les paysages, eux, se manifestent de prime abord à travers un autre médium, la vidéo. Une idée chère au créateur au passé en arts visuels, qui a rencontré la danse via le film avec son court métrage 9 Minutes, 2 fois (gagnant du Prix du public, Vidéaste Recherché-e, 2004). "L’idée, c’est de partir de la pièce pour en extraire une essence et l’amener ailleurs, dans un espace in situ." Résultat, le public pourra voir en première partie du spectacle un film portant le même nom que la pièce, réalisé avec le concours de Thierry Bouffard et David Paré et, bien sûr, des interprètes (Isabelle Gagnon, Katrine Patry, Sophie Breton, Esther Rousseau-Morin et Lake).

Mais si les deux oeuvres correspondent, elles ont leurs identités bien distinctes, souligne le danseur: "Les deux sont autonomes, tout en se répondant. Elles pourraient exister indépendamment sans perdre leur sens." D’où cette idée de pluridisciplinarité, préférée à la multidisciplinarité, où chaque expression artistique fait du sens par elle-même, tout en enrichissant l’ensemble.

Enthousiasmé par sa première expérience chorégraphique, Lake raconte: "C’est un état de totale liberté où tu sors tous les fantasmes qui sont en toi et tu les mets en place. La pièce est faite de rencontres et de dissolutions entre ces femmes qui émergent d’on ne sait quel monde. On est dans l’ordre du fantastique, où le réel et l’irréel se confondent. Chaudières…, c’est comme arriver dans un vieux grenier rempli de poussière où on trouve une petite boîte pleine de bijoux qui, tout d’un coup, nous plonge dans un rêve…"