Guy Bedos : Le sens de l’humour
Pour la première fois en plus de 50 ans de carrière, Guy Bedos se produira, grâce à l’équipe du Festival Montréal en lumière, sur une scène québécoise.
Né le 15 juin 1934 à Alger, Guy Bedos est une sommité en France. À l’écran comme à la scène, le comédien et humoriste, qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, fait rire et grincer des dents. Satiriste impitoyable, abonné aux coups de gueule, artiste-citoyen qui a une forte tendance à traquer l’aspect dérisoire des choses, à faire du drôle avec du triste, il a donné, en plus de ses nombreux monologues, quelques scénarios, des mémoires, et il y a peu, un roman (voir encadré).
Pour la première fois en plus de 50 ans de carrière, l’homme se produira sur une scène québécoise, à l’occasion du Festival Montréal en lumière. Son nouveau spectacle, Hier, aujourd’hui, demain, est décrit comme une invitation à s’amuser de la tragique loufoquerie du monde. On se demande tout de même pourquoi l’artiste n’a pas foulé une scène québécoise plus tôt.
"Vous voulez que je vous réponde franchement? lance-t-il au bout du fil. J’ai été approché par Gilbert Rozon et, comment dire, je ne l’ai pas senti, voilà! Parler d’antipathie serait exagéré, mais j’ai une petite réserve. Disons que ça n’a pas collé. Les contrats étaient prêts, mais des choses ne m’ont pas plu. Ça sentait tellement le business tout ça que je n’ai pas donné suite. Je suis un animal, moi. Je sens les choses. Comme un chat."
Il faut dire que notre homme, qui donne depuis l’an dernier des cours "de solitude" au Conservatoire d’art dramatique de Paris et pour qui "l’humour est aussi une façon de résister", se méfie sérieusement de tout ce qui uniformise son art. "On n’a pas tous la même façon de faire rire! C’est pour cette raison que j’ai d’énormes réserves envers l’École nationale de l’humour. On n’apprend pas l’humour!"
Afin de s’adresser ainsi pour la première fois au public québécois, Guy Bedos s’est, disons… préparé. "Je suis très entouré, vous savez. J’ai tout un staff québécois, des amis qui m’ont donné tous les mots et quelques détails sur la classe politique québécoise et canadienne. Je n’ai pas l’intention de faire un spectacle franco-français! Je suis au courant de bien des choses. Cela dit, je ne vais pas me mêler de vos affaires, disons plutôt que je vais jouer les candides, m’étonner un peu de la tournure des choses."
Mais l’humoriste ne donne pas strictement dans la revue de presse. "Je fais aussi mon métier d’acteur à l’intérieur de ce spectacle, lance-t-il. Parmi mes quelque 200 textes, j’ai retenu une douzaine de séquences où je passe sans cesse du "je" au "il", où je joue des personnages qui n’ont rien à voir avec moi. Des cons, par exemple."
À 74 ans, Guy Bedos s’apprête à rencontrer le public québécois avec un bonheur bien tangible. "Je considère que j’ai un contrat avec le public, quel qu’il soit. J’essaie d’être compris de tous. Je ne déteste pas plaire, vous savez. Traverser la planète pour jouer deux soirs, c’est un rendez-vous qui me plaît."
LE JOUR ET L’HEURE
Guy Bedos a déjà dit: "Le suicide, c’est l’ultime expression de la liberté. De savoir que l’on peut choisir sa mort, ça aide à vivre." Pas surprenant alors que son premier roman, Le Jour et l’Heure, soit consacré au droit de mourir dans la dignité. "Je fais les choses de façon intuitive, explique-t-il. Je ne fais pas de plan de carrière. J’ai des pulsions. J’ai des envies. J’avais envie d’écrire un livre léger et parfois drôle sur un thème grave. C’est ce que j’ai fait. J’ai écrit, tête baissée, en fonçant droit devant moi." Depuis sa parution, le roman a reçu beaucoup d’éloges, des compliments qui ravissent le principal intéressé. "Je suis très heureux, avoue-t-il. J’adore faire rire, mais j’adore aussi toucher, émouvoir. Ce qui est merveilleux dans le roman, contrairement à la scène, c’est que j’ai le droit de faire rire, mais je n’en ai pas le devoir. C’est très agréable d’avoir cette liberté." Éd. Stock, 2009, 152 p.