La Chambre blanche : Doux délire
Scène

La Chambre blanche : Doux délire

Ginette Laurin fait oeuvre de mémoire avec la recréation de La Chambre blanche, présentée pour la première fois en 1992. Un pari réussi.

L’espace déjà limité de la scène de la Cinquième Salle est réduit par le décor original de Stéphane Roy. On s’imagine dans une salle de récréation où les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique viennent donner libre cours à leurs délires et à leurs élans. Parfois, dans un vestiaire de douches communes où ils évoluent tantôt en sous-vêtements, tantôt vêtus de noir. Ils sont neuf. Le discours perpétuel qui leur ravage l’esprit et leur vrille le corps suinte de la trame sonore de Nicolas Bernier et Jacques Poulin-Denis. La musique fait monter l’angoisse. Sur scène, on passe de l’expression individuelle d’une agitation contenue à la libération des tensions dans une explosion collective. Les éclairages délicats de Martin Labrecque marquent le temps qui passe en laissant poindre et mourir le jour à travers les lucarnes.

Ici, la danse de Ginette Laurin se fait très théâtrale. Les manies et obsessions de chacun se déclinent de diverses façons: des cris, des soupirs, des soubresauts, des rires, des regards hagards ou survoltés, une libido qui se déchaîne, des tentatives de fuite qui se répètent… La gestuelle est nerveuse, tout en tensions et en déséquilibres. Certains personnages sont plus touchants que d’autres, mais ce qui fascine, c’est le groupe et les interactions entre les danseurs. Dans les séquences d’agitation générale, les neuf interprètes se lancent dans des courses folles dans l’espace circonscrit, ils grimpent sur les murs, se jettent les uns sur les autres, rattrapent in extremis ceux qui s’élancent dans les airs ou tombent à la renverse… Magnifiquement orchestrés, ces tableaux révèlent une complicité et une écoute hors pair, et la grande qualité du travail de partenariat. Les interprètes excellent et l’on ne s’ennuie pas.

Si la gestuelle et la musique font de La Chambre blanche une pièce d’aujourd’hui, l’esthétique globale exhale un parfum suranné et plutôt agréable des années 90. On regrette cependant la dimension esthétisante qui ôte de la force au propos et le choix de séquences de danse frontale ou à l’unisson qui nous extirpent d’un univers théâtral presque cinématographique pour nous plonger dans la dynamique plus froide de la représentation. On ne boude pas pour autant le plaisir de revisiter cette oeuvre du patrimoine chorégraphique québécois.

Consultez la page de la série Cinquième Salle au www.voir.ca/5esalle