Temps d'Images : Changer le monde
Scène

Temps d’Images : Changer le monde

Le 4e Festival Temps d’Images prend son envol aujourd’hui. Six jours de spectacles, de performances, de projections, d’installations et d’ateliers. Entrevue avec Caden Manson, metteur en scène attitré du Big Art Group, une compagnie new-yorkaise qui débarque avec une surboum révolutionnaire intitulée SOS, puis survol de la foisonnante programmation concoctée par Sylvie Teste et Danièle de Fontenay.

Après son succès à Temps d’Images en 2006 avec House of No More, le Big Art Group, un collectif new-yorkais fondé en 1999 par de jeunes artistes, comédiens, vidéastes, graphistes et musiciens engagés, est de retour pour nous présenter sa dernière création, SOS, une oeuvre festive qui propulse dans une jungle multimédia peuplée de peluches géantes. Avec son complice Jemma Nelson, auteur et créateur sonore, Caden Manson, metteur en scène et vidéaste, porte un regard à la fois critique et créatif sur notre société obsédée par l’image, dévorée par le consumérisme et assoiffée de pouvoir.

Une question fondamentale est au coeur de SOS: comment construire un monde meilleur, et à quel prix? "Qu’on le veuille ou non, le monde ne cesse de se réinventer, lance Manson. Si on prend, par exemple, une petite portion du monde comme notre pays, les États-Unis, ou encore comme notre communauté, New York, tout cela a changé très rapidement et très distinctement au cours des dix dernières années. De nouvelles valeurs se sont développées. La vraie question, c’est: comment participons-nous à ces changements, comment les influençons-nous, comment nos désirs collectifs les provoquent-ils?"

Le créateur new-yorkais est en effet convaincu que l’art peut changer le monde. "Je ne pense pas qu’un spectacle comme le nôtre entraînera une réaction politique directe, mais le processus de créer un spectacle équivaut à celui de créer des mondes, des environnements qu’il est possible de modifier à volonté. Dans l’art, il y a de la place pour l’expérimentation, de quoi tester de nouveaux théorèmes. Le temps d’une représentation, nous pouvons bousculer les dispositions habituelles de la physique, des constructions sociales ou de la logique pour explorer des mondes alternatifs, les superposer au monde dans lequel nous vivons. Un spectacle ne produit rien, aucun objet qui pourrait être vendu. Ce que les spectateurs emportent est un souvenir. En ce sens, pour nous, faire du théâtre est un acte politique."

L’élection de Barack Obama a mis beaucoup d’espoir dans le coeur des hommes et des femmes du monde. Pour le créateur états-unien, nous ne sommes jamais à l’abri des reculs. "Notre société ne cesse de fluctuer, elle oscille frénétiquement. Je ne pense pas que cela soit près de changer. Une nouvelle ère a certainement commencé avec la nouvelle présidence. Dans le monde entier, on espère que les choses changeront, non seulement dans la société états-unienne mais, par contagion, partout sur la planète. Cela dit, s’il est une chose qui donne au spectacle une pertinence encore plus grande, c’est bien la crise économique actuelle. Je ne crois pas que l’élection d’Obama ou encore le rétablissement des marchés financiers constituent la fin de l’histoire. Le changement réel, s’il vient, viendra du bas vers le haut, et non du haut vers le bas."

En plus de présenter SOS, un spectacle d’une durée de 60 minutes offert en anglais, avec surtitres français, les 25, 26 et 27 février à 20 h, et de donner un atelier d’introduction à ses méthodes les 26 et 27 février, le Big Art Group réserve aux participants de la Nuit blanche, le 28 février, une soirée de performances éclatées, de la vidéo immersive absurde, de nouvelles propositions sonores, de la musique et une diffusion de courts métrages en temps réel. À partir de 20 h, des installations vidéo et des projections seront présentées dans le hall et le Café de l’Usine C. La performance Actions sera présentée dans la petite salle de l’Usine à partir de 23 h, pour se poursuivre jusqu’à 2 h.

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WELCOME TO NOWHERE

Fondée en 2002, Temporary Distortion est une compagnie de théâtre expérimental basée à New York. Au fil du temps, les productions de Kenneth Collins, un ancien collaborateur de Richard Foreman, pionnier de l’avant-garde théâtrale new-yorkaise des années 60, sont devenues des hybrides entre le cinéma et le théâtre. Ainsi, Welcome to Nowhere, qui est le premier spectacle de la compagnie à sortir des États-Unis, s’apparente à un road movie théâtral, une fable sur la mémoire qui nous plonge dans un univers poétique et plastique, lent et sensuel. Immobiles derrière d’étroites cloisons vitrées surplombées d’un écran panoramique, les cinq acteurs voient leur double évoluer dans un monde parallèle alors qu’eux se parlent, impassiblement, sans même se regarder ni sourciller. La production dépeint une Amérique inhospitalière, mais aussi romanesque et initiatique, un territoire où se croisent l’amour, la mort et le crime. Durée: 60 minutes. En anglais, avec surtitres français. Le 19 février à 19 h 30 et les 20 et 21 février à 19 h 30 et 21 h 30.

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CRAC

Fondée en 1991, la compagnie italienne Motus est passée maître dans l’art de mêler inextricablement théâtre et vidéo, voix et sons. En 2005, à l’Usine C, Enrico Casagrande et Daniela Nicolo nous avaient donné l’excellent Twin Rooms, une réflexion sur la société américaine consumériste inspirée d’un roman de Don DeLillo, Bruit de fond. Les deux créateurs sont de retour, cette fois avec Crac, un spectacle qui s’inscrit dans un cycle intitulé X(ics) Récits cruels de la jeunesse et que l’on décrit comme un îlot de résistance psychophysique. Une danseuse-patineuse s’engage dans un cercle lumineux projeté au sol et à la verticale qui circonscrit des espaces, des cages concentriques, qui délimite un intérieur et un extérieur. Sous nos yeux, une figurine pâle et fragile se lance, se déplace, lutte, s’incline et se relève à nouveau, essayant sans cesse de redéfinir les frontières qui tendent à borner, à cerner, à séparer. Rapidement, la précision de l’exercice physique se transforme en anatomie d’une névrose. S’ajoute alors un univers sonore où des voix et des sons, captés à l’extérieur dans les villes visitées par la compagnie, sont transformés en algorithmes, en trames sonores et en pixels. Durée: 35 minutes. Les 19 et 20 février à 20 h 45 et le 21 février à 18 h 45 et 20 h 45.

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ÉRECTION

Formé en cinéma, le Français Pierre Rigal réalise des clips et des films documentaires avant de s’intéresser à la danse. En 2001, il travaille avec Bernardo Montet, Wim Wandekeybus et Gilles Jobin avant de fonder la Compagnie dernière minute. Son premier solo, Érection, mis en scène par Aurélien Bory, a été créé en 2003. Un homme seul, couché, inscrit dans un rectangle vert électrique, tente de se relever. Entre odyssée, conte philosophique et récit de science-fiction, le spectacle suit le fil de l’évolution humaine. Dans un dispositif épuré, accompagné d’effets sonores et vidéo créés en direct, le danseur et chorégraphe incarne à la fois l’homme "animal", l’homme "individu" et l’homme "social", trois versions d’une même tentative d’érection. En plus de présenter son spectacle, d’une durée de 45 minutes, les 25 et 26 février à 21 h 30 et le 27 février à 19 h et 21 h 30, Rigal donnera un atelier les 26, 27 et 28 février sur le potentiel créateur de la contrainte.

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PERFORMANCES, INSTALLATIONS ET PROJECTIONS

Au rayon performances, on trouve les Montréalais 2boys.tv (Stephen Lawson et Aaron Pollard) avec Phobophilia, une oeuvre sombre et humoristique sur l’érotisation de la terreur. Cette expérience, destinée à des groupes de 20 spectateurs, est décrite comme un voyage personnel au coeur de nos rêves les plus obscurs, une chronique contemporaine inspirée de Cocteau. Toujours de Montréal, AElab (Stéphane Claude et Gisèle Trudel) propose LSCDC (Light, Sweet, Cold, Dark, Crude), une aventure qui combine un documentaire artistique avec deux activistes chevronnés de l’environnement, l’écrivaine Nancy Todd et le biologiste John Todd, et une performance en direct avec le son ambisonique immersif, l’image en mouvement, la lumière LED, le dessin et le texte. Au rayon installations, on trouve les Montréalais Manon Cousin et Jonas Veroff Bouchard avec Gong Xing Yu Ge Xing, les Italiens de Motus avec Run, les Productions Recto-Verso (Caroline Ross et Émilie Morin), de Québec, avec Miroir-Miroir, et Pascal Dufaux, de Montréal, avec le dispositif sculptural Irradiant (photo). Finalement, au rayon projections, on découvrira les oeuvres de la Britannique Gina Czarneki (Nascent et Infected) et du Montréalais Patrick Bernatchez. Outre Chrysalide et I Feel Cold Today, des films qui étaient de la première édition de La Triennale québécoise du Musée d’art contemporain, Bernatchez profitera de Temps d’Images pour présenter aux Montréalais le troisième volet de sa trilogie, 13, et une synthèse des trois films, Whole Fashion Plaza.