Hugues Frenette : Acte de résistance
Scène

Hugues Frenette : Acte de résistance

Hugues Frenette n’a pas peur des textes denses, qu’ils soient en alexandrins ou en "exploréen". Après les vers de Cyrano, il plonge dans les mots de Claude Gauvreau.

Hugues Frenette dépose son lourd texte sur la table. Dans L’Asile de la pureté, il incarne l’alter ego du poète maudit. Une autre belle brique à apprendre. Mais cette fois, "c’est plus viscéral et moins cérébral", dit-il en comparant Gauvreau et Rostand. "C’est fascinant de voir qu’on avait chez nous cet auteur-là. C’était une étincelle en pleine Grande Noirceur."

Claude Gauvreau a écrit ce texte alors que sa compagne, Muriel Guilbault, vient de commettre l’irréparable. Il exorcise sa peine en une pièce coup de poing: l’histoire de Donatien, un jeune poète qui, à la suite du suicide de sa muse, entame une grève de la faim. Enfermé dans sa chambre, il reçoit la visite d’une panoplie de personnages, certains réels, d’autres fictifs, dont Don Quichotte et… Cyrano!

Le jeûne de Donatien dérange. Certains tentent de récupérer politiquement son acte, d’autres le supplient d’y mettre fin. "Ils représentent tous un type de personnes avec lesquelles on a à composer dans la vie. Des personnes pas très agréables. L’état physique de Donatien l’amène à ressentir profondément les affaires et il a la visite de ces clowns-là, imagine ce que ça donne!"

À la création de la pièce, en 1953, l’acteur Jean Gascon la qualifie d’injouable. "C’est pourtant la pièce la plus accessible de Gauvreau! s’exclame Frenette. C’est pas difficile. Je me demande même si mes kids vont pas venir la voir… Bon, peut-être pas, parce qu’il y a des choses assez dures, mais ce serait nécessaire qu’ils la voient."

Nécessaire, un mot que martèle Frenette. "Pour moi, jouer ça, c’est un acte de résistance." Pas étonnant de la part du comédien, aussi auteur du blogue Petit geste de résistance à l’abrutissement. "La parole de Gauvreau est encore nécessaire aujourd’hui. Depuis le Refus global, on n’a pas beaucoup bougé. On reste dans une société très codifiée, "conformisante". Y a encore tellement de chemin à faire pour que des paroles originales soient entendues, acceptées. C’est un combat."

Martin Faucher met en scène ce texte pour la troisième fois. C’est dire la confiance qu’ont les 12 comédiens en leur chef d’orchestre. "Ce qu’il veut, c’est carrément faire entrer les spectateurs dans la tête de Donatien." Dans la tête d’un homme qui n’a pas mangé depuis 89 jours, la balade s’annonce "épormyable"…