Martine Beaulne : Faire face
Après Le Doute, Martine Beaulne signe pour Duceppe la mise en scène d’une nouvelle pièce sondant les profondeurs de l’âme humaine, Le Déni, de l’auteur anglais Arnold Wesker.
Jenny est une jeune femme de 30 ans qui souffre d’un sentiment d’échec envahissant. Cherchant des solutions à son mal-être, elle se tourne vers une psychothérapeute aux compétences et aux motivations douteuses. De ces séances naîtront des accusations d’abus sexuel portées contre le père. Vraies ou fausses, celles-ci causeront un véritable cataclysme dans la famille, entraînant souffrance et remises en question profondes chez tous les membres. "C’est une pièce dure, qui nous fait plonger dans des zones troubles, explique la metteure en scène Martine Beaulne, mais elle est aussi porteuse d’espoir. Elle nous amène à nous interroger sur la manipulation et sur la façon dont on peut survivre aux épreuves de la vie."
Les accusations d’abus sexuel font immanquablement écho au thème central du Doute, pièce que Beaulne avait mise en scène dans le même théâtre à l’automne 2007. "Les attaques contre le père déstabilisent tous les membres de la famille, et entraînent chez eux un état de doute vis-à-vis des autres mais aussi d’eux-mêmes", confirme la metteure en scène. Elle précise toutefois que la pièce d’Arnold Wesker va beaucoup plus loin. "L’auteur veut porter une réflexion sur les différents abus de pouvoir qui existent ou qui ont déjà existé dans nos sociétés. La pièce est centrée à la fois sur la famille et sur notre réalité sociale. Le sentiment d’échec de Jenny, beaucoup de gens le vivent, notamment au travail, dans une société axée sur la compétition et la performance. Les sujets traités – les liens familiaux, le manque d’estime de soi, l’exploitation de la détresse – sont à la fois vastes et très actuels."
Pour ce spectacle, la metteure en scène s’est entourée de comédiens qu’elle connaît bien: Marie-Ève Bertrand, Louise Laprade, Linda Sorgini, Isabelle Vincent et Guy Nadon. À leurs côtés, on pourra également apprécier Marie-Chantal Perron dans le rôle de Jenny, et Benoit Girard dans le rôle d’un ami de la famille que l’expérience des camps de concentration a amené à réfléchir sur le rapport entre la haine de soi et la haine de l’autre, un autre des nombreux thèmes abordés par la pièce.
Laissant planer le mystère, la metteure en scène décrit le décor de Richard Lacroix comme "métaphorique": "Nous avons misé sur l’éclatement et la transparence, pour souligner la fragmentation qui se produit dans la famille, mettre en relief ce qui est sombre, caché, par opposition à ce qui est révélé, mis en lumière." Elle avoue que son principal défi a été de ne pas souligner les opinions qu’elle pouvait avoir sur les personnages: "J’ai veillé à ne pas accentuer leur état ou leurs traits de caractère par les éléments scéniques, décor, musique, costumes… Je voulais conserver une certaine objectivité." Les spectateurs pourront ainsi se faire leur propre opinion et quitteront la salle enrichis de leurs propres questionnements.