Fanny Britt : Chambres d’échos
Résolus à agiter les consciences et à parler franchement de notre époque, Fanny Britt et le tout nouveau Théâtre Debout présentent Hôtel Pacifique. Entretien.
"Je suis fascinée par les chambres d’hôtel, raconte Fanny Britt. On y entre et on se demande qui est passé par là avant nous, quelles tragédies s’y sont déroulées sans laisser de traces. Il y a une superposition d’histoires intimes entre les murs d’une chambre d’hôtel, paradoxalement un lieu public où se jouent souvent des morceaux de la grande histoire."
Voilà une image parfaite pour illustrer le propos d’Hôtel Pacifique, une pièce que l’auteure avait amorcée à l’aube de la vingtaine dans le giron de l’École nationale de théâtre, et qu’elle désirait retravailler aujourd’hui à l’aune de ses 30 ans. Dans l’une ou l’autre des chambres d’un hôtel montréalais non identifié, pendant que dans la rue le nouveau président fait sa première visite à l’étranger (il ne sera jamais nommé mais très sous-entendu), trois couples à la dérive se heurtent à leurs rêves et à leurs désillusions. Leurs histoires s’interpénètrent et s’influencent sans changer le cours des choses, comme si "le monde ne changeait jamais comme on le souhaite". Une sorte d’étude des relations de couple (c’est l’expression privilégiée par Britt) mise en parallèle avec les mouvements du dehors.
Le constat est très pessimiste, malgré un certain souffle romantique dans le dialogue et la soif d’amour des personnages. Mais Britt avouera, sans dissimuler un sourire réconfortant (heureusement), qu’elle ne réfléchit qu’à la douleur et au désespoir, qu’elle se sent souvent inadéquate dans le monde contemporain et que ses personnages sont tous habités par ce sentiment de ne jamais être à la hauteur. "J’ai l’impression que mon écriture est très intérieure, mais avec le temps, je me suis aperçue que c’est aussi une façon de porter un regard sur le monde, de critiquer les modèles si rigides de notre société, dans laquelle je ne suis sûrement pas la seule à me sentir étouffée."
Dans ces traces souterraines d’indignation chez la prolifique auteure et traductrice, le metteur en scène Geoffrey Gaquère se trouve fort à son aise. Depuis qu’il a mis en scène Couche avec moi (c’est l’hiver), la pièce à ce jour la plus connue et la plus applaudie de Britt, il mourait d’envie de fonder une compagnie pour témoigner sur scène des agitations d’ici et de maintenant, avec colère et lucidité. "Geoffrey est par moments le prolongement de moi-même, explique Britt, il révèle des portions de mes textes que je ne soupçonne pas, de la colère cachée que je ne crois pas avoir écrite mais qui est bien présente. Comme si des forces en travail, qui relèvent peut-être de l’inconscient, me poussaient à faire à mon insu des textes très critiques. Notre collaboration dans cette compagnie donnera, je l’espère, un théâtre utile, qui lance un signal d’alarme."
La troisième comparse à la codirection du Théâtre Debout, Johanne Haberlin, est de la distribution de la pièce, en compagnie de Benoît Dagenais, Monique Spaziani, Patrick Hivon, François Bernier et Madeleine Péloquin. À suivre.