Clare Schapiro : Quête des origines
Bye Bye Baby offre une rare occasion de découvrir, dans la langue de Molière, un succès de la scène anglo-montréalaise. Discussion avec l’enthousiaste metteure en scène Clare Schapiro.
S’il est rare qu’une production anglo-montréalaise ait une aussi longue vie que ce Bye Bye Baby (la pièce a été présentée au Studio du Monument-National en novembre 2004, puis reprise au Centaur en 2006), il est encore plus rare qu’elle attire autant l’attention de la presse francophone et soit reprise en français quelques saisons plus tard. On peut comprendre que Clare Schapiro, qui travaille depuis ses débuts à tisser des liens entre les deux communautés théâtrales (elle a cofondé Infinithéâtre, une compagnie bilingue), soit plutôt fière de son coup.
"Avec une distribution francophone – Martine-Marie Lalande, Nathalie Claude, Dominique Leduc, Mathilde Monnard et Felicia Shulman -, je peux aborder ce spectacle d’une manière très différente. Non seulement on travaille dans des conditions de production moins contraignantes, mais les actrices jouent de manière plus organique; elles sont moins cérébrales que les anglos. J’adore les deux méthodes, mais pour l’instant je trouve l’approche francophone très rafraîchissante."
Dans les locaux de répétition d’Imago Theatre (la compagnie qu’elle dirige depuis 2000), la metteure en scène guide le journaliste à travers les morceaux de décor déjà installés pour les répétitions. Preuves à l’appui, donc, par cette nouvelle scénographie de panneaux pivotants, elle assure qu’il ne s’agit pas d’une reprise, mais bien d’une recréation. "C’est une nouvelle production de A à Z, même que le texte a aussi changé – on a voulu briser la structure morcelée inspirée du recueil de nouvelles, pour que le récit soit plus fluide."
Une nouvelle version qui s’ajoute à la liste déjà longue des multiples vies de ce tout premier effort littéraire de la Montréalaise Elyse Gasco: ce fut d’abord un recueil de nouvelles en anglais (Can You Wave Bye Bye, Baby?, publié en 1999 aux éditions McClelland & Stewart), qui a rapidement été traduit en français, puis en quatre autres langues, avant de faire l’objet d’une première adaptation théâtrale, elle aussi publiée (chez Scirocco Drama), puis la version d’aujourd’hui (traduite par Maryse Warda et tout juste publiée à L’instant même). Ajoutons que la pièce ne se contente pas de reprendre les événements du recueil de nouvelles mais les prolonge, en plus d’accentuer la dimension fantasmatique du récit, et que toutes ces versions de l’oeuvre ont obtenu de nombreux prix.
Autobiographique, cette histoire d’une femme enceinte qui se heurte à la bureaucratie provinciale lorsqu’elle part à la recherche de sa mère biologique serait aussi une allégorie de la recherche d’identité québécoise. "Je crois que c’est pour ça que j’ai tant voulu faire une version française, souligne Schapiro. Et contrairement à ce que plusieurs francophones croient, ce problème existe aussi chez beaucoup d’anglo-québécois, qui ne se considèrent pas plus canadiens que bien des francophones, même s’ils ne sont pas séparatistes." Discours rafraîchissant, non?