Karine Ledoyen : Ondes de choc
Scène

Karine Ledoyen : Ondes de choc

Dans Cibler, Karine Ledoyen crée des remous en ciblant les eaux troubles de la perte et de l’abandon. Quand ceux qui restent témoignent de ce qui ne peut être vécu.

Si elle se garde bien de signer une oeuvre autobiographique, la chorégraphe Karine Ledoyen a dû s’avouer au cours de la création de sa pièce Cibler que celle-ci trouvait son élan dans la mort volontaire d’un ami proche. "C’était tellement fort dans ma vie que c’était incontournable. Mais ça m’a pris du temps à m’avouer que c’était le sujet que j’abordais dans Cibler, parce que je n’avais pas envie de mettre ça en avant. Et puis, ça part de moi, mais la perte, l’abandon, le rejet, c’est un sentiment universel", explique-t-elle.

Pièce à plusieurs niveaux de lecture, amalgame d’images abstraites et d’états, Cibler, qui a été créé à La Rotonde de Québec en avril 2008, est une expérience où la mort n’est pas tant la cible que ce qu’elle provoque chez ceux qui restent. "Le titre de ma pièce fait référence au fait que, parfois, on cible quelque chose, mais c’est autre chose qu’on atteint. C’est comme un tremblement de terre: tu as l’épicentre qui est là, mais c’est tout ce qu’il y a autour qui va en souffrir. C’est la même chose avec une personne qui se tue: c’est elle qui s’est ciblée, mais dans le fond c’est autour d’elle que ça va trembler. J’ai donc travaillé avec cette idée de résonance." Entre autres, en allant chercher un matériel bien particulier, la laine. "Au début, il y a une danseuse qui est attachée avec plein de fils. Elle ne bouge presque pas, elle fait des micromouvements, mais c’est tout l’espace qui résonne autour."

La nouvelle création de celle qu’on connaît pour le projet Osez! met en scène trois danseuses (Julie Belley, Véronique Jalbert et Sonia Montminy) et une comédienne (Sophie Thibeault), que la chorégraphe appelle la Dame Blanche, personnage mystérieux dont les danseuses seraient les manifestations. Représentant par moments les trois soeurs Parques – qui, dans la mythologie grecque, sont les divinités maîtresses du sort des hommes, l’une en filant une laine, la seconde en l’enroulant et la troisième en la coupant -, les interprètes sont entraînées dans une course effrénée. "Il y a une énergie dans cette pièce-là que je n’avais pas vue depuis longtemps! avoue l’artiste. Ça "goale" du début à la fin, comme quand tu cours jusqu’à t’épuiser. Des fois, tu ne veux pas voir des choses, alors tu cours (rires)!"