Catherine Cyr et Patrick Quintal : Le battement d’ailes du papillon
Le Double Signe et La Rubrique présentent aux Montréalais Je ne pensais pas que ce serait sucré, une pièce de Catherine Cyr mise en scène par Patrick Quintal.
Pour la première fois, le Théâtre du Double Signe, de Sherbrooke, et le Théâtre La Rubrique, de Saguenay, s’associent. C’est Patrick Quintal, directeur artistique du Double Signe, qui assure la mise en scène de Je ne pensais pas que ce serait sucré, le premier texte de Catherine Cyr monté de façon professionnelle.
La rencontre saugrenue entre Lucifer et une psychologue permet à la jeune auteure d’aborder le thème des crises identitaires et des passages de la vie. Elle n’a pas hésité à puiser sa matière première dans différents répertoires. Elle a repris l’image de Rose Latulippe dansant avec le diable – "J’ai triché un peu avec la légende, j’ai joué avec et je l’ai tordue", dit-elle en riant. Elle est aussi allée piger dans la mythologie grecque pour le personnage de Perséphone, une déesse qui appelle Lucifer vers la mort. "C’est ce qui m’a séduit dans le texte, explique Quintal, ce mélange des univers. Catherine a une voix originale."
Ange déchu, projeté du ciel vers les profonds abîmes de l’enfer, voilà que Lucifer (Benoît Lagrandeur) – Lucas de son petit nom – tombe des nues. Un regard lucide sur notre monde lui fait prendre conscience qu’il a encore une fois été détrôné: l’humanité fait bien le mal sans avoir recours à ses conseils. De bouleversantes remises en question le propulsent alors dans une grave crise d’identité qui le pousse à se livrer aux bons soins de la docteure Anna Bettelcott (Guylaine Rivard), psychologue qui pourra peut-être l’aider à se retrouver, à reprendre confiance en ses capacités. Le tableau est certainement cocasse. Et la déchéance de Lucifer promet d’hilarantes confessions sur le divan.
Comme rien n’est jamais simple, entre en scène la délicieuse Rose (Marianne Roy), une adolescente de 13 ans, fille de Bettelcott, qui éveillera chez le prince des démons ce terrible sentiment qui ne l’avait jamais hanté auparavant. Eh oui, ce bon vieux diable est amoureux! Alors que la mythologie le présente comme le Tentateur et le Séducteur, il devient lui-même tenté et séduit. La jeunesse et la candeur chatouillent le coeur de celui dont on croyait qu’il en était dépourvu.
Est-ce le démon de midi qui crée ce noeud dans les tripes du prince des ténèbres? Soumis à cette décharge, aussi soudaine qu’insolite pour l’être désincarné qu’il est, son univers sera totalement transformé. Lui-même se métamorphosera, à l’image de ces petits êtres fragiles qui suscitent toute la passion de la jeune et angélique Rose, les papillons. Et pendant ce temps, Perséphone (Lysanne Gallant) tendra la main au malin, qui devra choisir quelle saveur aura son avenir.
Quintal et Cyr sont particulièrement enthousiastes lorsqu’ils parlent de la production. Ils évoquent la scénographie "sobre et très parlante" de Serge Lapierre, la musique de Jacques Jobin, les costumes significatifs d’Hélène Soucy et les images fabuleuses d’Anh Minh Truong, qui avait notamment pour mission de recréer l’enfer imaginé par l’auteure: une papillonneraie. Intrigant, non?